Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III 111

La même année, un autre prisonnier, « qu'il soupconnoit être le valet de chambre du Roi, » lui vola un manuscrit ayant pour titre : « Les cris et les gémissements des prisonniers d'Etat de la Bastille et de Vincennes. » Ge misérable laquais, ayant obtenu sa liberté en 1774, déguisa ce manuscrit et le fit imprimer en un volume, sans nom d'auteur. Le Prévôt avait également écrit l'Æistoire du Donjon de Vincennes, en vingt-deux chapitres. Le manuscrit lui fut volé par la police.

Il imagine alors un singulier moyen pour se débarrasser de son persécuteur sartinien; ce n’est pas la moins originale invention de ce cerveau détraqué : le 10 fevrier 1774, il envoie à Sartine trois projets que celui-ci « fait exécuter afin de s’avancer dans le ministère; par reconnaissance, le lieutenant de police lui fait don de la Bible de Sacy, en 4 vol. in-f, et de quelques mouchoirs curieusement peints, représentant des chasses de Londres, la carte d'Angleterre, etc., d’une robe de chambre de belle espagnolette #. »

Cependant on reprend contre lui les mesures de rigueur et toujours injustement ; on avait prétexte « les Zns{ructions qu’il donnoit aux soldats qui logeoient au-dessus de son cachot. » Aussitôt enfermé, il commence la démolition de sa cellule ; transféré dans d’autres pièces, il en barbouille les murailles, ou, avec du suif et des morceaux de bouleau, il écrit, sur les murs, en grosses lettres, la dénonciation du Pacte de famine!

Le 22 juillet 1775, il recoit la visite de Malesherbes, « le ministre fantôme ; » il commence à lui raconter son histoire ;: Malesherbes lui fait observer « qu'il se trompe, qu'il n'y a ni pacte, ni ligue, ni conspiration en pleine exécution. » Le Prévôt s’emporte et Malesherbes, pour satisfaire sa marotte, ordonne, en s’en allant, de lui procurer du papier, afin qu'il puisse écrire sa défense. Le 29 août, Le Prévôt envoie de nouveau sa dénonciation.

Lorsque le ministre Amelot vint le visiter, le 24 juin 1776, avec «le démon négrilien, son subdélégué en police ordurière, » Le Noir, le successeur de Sartine, il renouvela contre eux ses accusations et ses injures. Il ne peut donner le détail des événements survenus de cette époque à la fin de 1783, parce que, dit-il, dans les décombres de la Bastille, on a bien trouvé ses papiers relatifs à

avait succédé en 1766 au Prince Dimitri de Galitzin, ministre plénipotentiaire, et il futremplacé en 1774 par le prince Bariatinski, 1, Prisonnier d'État, p. 78 et suivantes.