Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

130 LE PACTE DE FAMINE

Le 21 novembre 1768, lorsque l’interrogatoire de Le Prévôt fut terminé, le lieutenant de police, prévoyant une longue détention, ordonna de le transférer « dans une chambre ordinaire et plus commode que celle où il était, pourvu qu'elle n’ait pas de vües sur le dehors +. » Dans une note de Duval, secrétaire de M. de Sartine, en

. date du 28 décembre 1768, les causes de la détention de Le Prévôt sont trèsclairement spécifiées : « Il résulte de l’interrogatoire du sieur Le Prévôt, ecrit Duval, qu'il avoit adressé à M. Bailleul une lettre en forme de mémoire qui ne lui est point parvenue, ayant été interceptée; qu'il ne s’est servi du canal de M. le prince de Conti et de M. le duc de Nivernois, pour faire parvenir ses écrits à Mad, Adelaïde et au Roi, que sur la seule réputation qu'ont ces puissances d'aimer le bien public... Il ne reconnoît pas ses (orts et persiste à dire qu'il a écrit ce qu'il croit vrai, c'est-à-dire qu'il y a des traités et des monopoles pour soutenir la cherté des grains en France ?. » .

Le Prévôt profitait de toutes les occasions pour faire parvenir au public ses ridicules dénonciations. Aussi le 8 janvier, lorsqu'il demanda la promenade en attendant sa liberté, la dernière édition des œuvres de Voltaire et la permission d'écrire à sa mère et à deux ou trois de ses amis, la police lui refusa toutes ces faveurs #. Chaque fois qu’on lui avait accordé la permission d'écrire, Le Prévôt en avait abusé. Sartine écrivait, le 1er février 1769 : « J'ai lu la réponse que le sieur Le Prévôt, prisonnier à Ja Bastille, a faite au sieur Prudhomme qui lui avait écrit. Vous lui direz que je l'ai trouvée très indécente et qu’il ne sied pas, dans l’état où il est, de s'occuper à faire des satires et des critiques. Sa lettre ne passera pas, à moins qu'il n’en récrive une autre. » Malgré cela, le 4 février, on lui remet « une lettre du dehors » et le 9 on lui restitue tous ses papiers qui n’avaient pas trait à l'affaire pour laquelle il avait été arrête *. Il en donna le reçu suivant :

« Je soussigné, reconnois que M. Chevalier, Major du château de la Bastille, m'a remis une caisse contenant les papiers qui m’appartiennent et qui ont été visités et examinés et ensuite cachetés et remis à la garde de Mond. sieur Major, laquelle caisse il m'a repré-

1. Bibl. Ars., ms. 7619, fo 995,

2. Rapp. du Comité des Lettres de Cachet. Nous reviendrons longuement sur ce rapport. Arch. nat, Secrétariat, À. D. XVIIF,

3. Rapp. du Com. Lettres de Cachet.

4. Bibl, Ars., ms. 7620, f** 14, 15, 16.