Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

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faire ainsi un tableau pathétique de la famille désolée. Gette requête, égarée ou perdue aujourd’hui, était, assurément, la plus importante pièce du dossier Le Prévôt.

Chaque fois que la police se montra moins sévère envers lui, il abusa des permissions qu'on lui donnait, de façon à décourager la bonté la plus indulgente. M. de Sartine « ayant approuvé que pour tenir, s'ilétait possible, » ses esprits « qui depuis l’instant qu'il avait été transféré de la Bastille au château de Vincennes, n’avoient cessé d’être dans une continuelle fermentation, » M. de Rougemont « lui donnât du papier en compte, » reçut le 27 janvier une lettre injurieuse *. Le papier lui ayant été laissé malgré l'abus qu'il en faisait, le 6 avril, il écrit de nouveau au lieutenant de Police : « De peur que votre conscience vous presse de me rendre justice, vous évitez de me voir et de m’'entendre... Je serois innocent si je ne vous avois |ias pour ennemi. Vous meretenez dans les cachots par la seule crainte que je ne parle SU

Le Prévôt devait avoir, comme cela arrive très fréquemment chez les fous, des accès de delire furieux pendant lesquels on était obligé de l’enfermer. Nous empruntons — en faisant toutes nos réserves sur son authenticité ou tout au moins sur son intégrité — la lettre suivante, au Prisonnier d'État (p. 167). C'est M. de Rougemont qui écrit à M. de Sartine, le 21 septembre 1772 : « Sur le compte qu'on me rendit ce matin, que le S. Le Prévôt refusait de laisser entrer dans son cachot, je m'y transportai, dans l'espoir de le ramener à la soumission ; il n’a fait, au contraire, que vomir contre vous et contre moi des injures. — Je me suis contenté, en attendant vos ordres, de lui faire supprimer son vin et sa nourriture, jusqu'à ce qu’il ait obéi, ne doutant pas de le prendre par la famine, comme la dernière fois, et afin que ses cris ne puissent être entendus hors du Donjon, j'ai ordonné qu'on remplit de fumier sa trémie. Je vous serai obligé de me faire connaître vos intentions sur ce qui pourrait me rester à faire. » Comme précédemment, le rapporteur ne cite que les parties en ilaliques, mais il ajoute, ce qui n’est pas sans intérêt : « Note de la police. — Approuver le parti qu'il a pris, en observant de lui faire donner des remèdes s’il en a besoin. »

Il convient de remarquer que l’on traitait Le Prévôt suivant la

1. Pris, d'Etat, p. 145. 2. Rap. Com. Lettres de cachet.