Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

PREMIÈRE PARTIE, — CHAPITRE IX 73

avoir duré plusieurs mois. Quarante mille setiers ne se transportent point du sein de la France en pays étranger, sans le concours de nombreux confidents et agents de toute espèce qui détruisent l’idée d’un mystère impénétrable. — Une foule de témoignages de toute espèce s'élèveraient contre nous, si nous eussions fait l'exportation, et ce serait de notre part le comble du délire de nier un fait dont la manifestation serait aussi facile *. »

11 fallait la grossière stupidité qui distingue la calomnie révolutionnaire pour résister à un argument de cette force.

Un monopole assez influent pour déterminer de grandes variations dans le prix des blés ne pouvait matériellement pas exister, et en admettant même que les frères Leleu aient eu de pareils projets, ils n'auraient pu les mettre à exécution: « On a calculé, en effet, que les gouvernements, tant anciens que modernes, n’ont jamais pu, même au prix des plus grands efforts et d'immenses sacrifices, accumuler dans les greniers publics au delà de la quantité de grains nécessaire à la nourriture de la population pendant une semaine. Et cela se conçoit facilement : on peut, sans exagération, évaluer la consommation en grains de toute la France, pendant une semaine, à deux millions d’hectolitres. Pour resserrer, pour transporter de semblables masses, il faut des locaux et des moyens d'actions gigantesques ; les gouvernements ne pourraient les avoir à leur disposition sans s'imposer des dépenses exorhbitantes: ils sont tout à fait hors de la portée des particuliers, si riches qu’on les suppose. Pour transporter deux millions d’hectolitres de blé (la nourriture de la France pendant une semaine), pesant de 150 à 160 millions de kilogrammes, sans compter leur enveloppe, il faudrait mettre en mouvement au moins 160 000 charrettes attelées d’un cheval, ou 500 navires de 320 tonneaux chacun. — Il résulte d'un calcul que nous avons fait, et bien facile à vérifier, que le blé consommé en France pendant une semaine, chargé sur des voitures à un cheval, placées les unes derrière les autres, occuperait un espace qui ne serait pas moindre de deux cents lieues, c’'est-àdire qui aurait la longueur de Paris à Toulouse. La quantité de blé consommée annuellement par la France, chargé sur des voitures à un cheval, formerait un convoi long de 9 ou 10 000 lieues, et pourrait par conséquent faire une ceinture au globe entier. — En 1847, il n’a pas fallu moins que le concours de toutes les

1. Observations.