Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

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marines de l'Europe pour apporter en France 10 millions d'hectolitres de grains étrangers, c'est-à-dire la dixième partie de la consommation annuelle. Geci doit servir à démontrer l'impossibilité des accaparements de grains et lepeu de fondement du préjugé populaire, qui attribue les disettes à l'action des accapareurs *. »

On avait accusé les frères Lelea d’avoir importé des blés qu'ils avaient déjà fait exporter parce que les blès importés étaient trouvés revêtus de sacs à leur marque. — A cette accusation ils répondent : « Nos blés rendus dans les ports de France (en vraques), nous trouvions plus de sûreté dans leur exportation et plus de cèlérité dans leur expédition, en les faisant mettre dans des sacs que nous y envoyions, de manière que nos blés nous parvenaient dans nos propres sacs ?. »

Ils envoyaient les sacs vides au Havre ou à Rouen par le sieur Bailly, entrepreneur de voitures.

Singulière façon de spéculer sur les blés que d'augmenter les frais de transports par des voyages inutiles !

Les frères Leleu donnent la liste exacte des navires qui apportérent des blés au Havre et à Rouen, avec les noms des vendeurs et nous voyons qu'ils reçurent de la sorte, en 1788, de la Flandre autrichienne, de Memel, Hambourg, Amsterdam, Rotterdam et Londres, 39 navires portant 1,583 lasts de blé faisant 31,000 setiers. Ils firent également venir 7,746 sacs de Boston ; 21,935 des Flandre autrichienne et française et 459 barils $,

Par la nature même de leurs contrats, les frères Leleu ne pouvaient que faire baisser le prix des blés et s’opposer, par conséquent, à la disette : « N'oublions pas, disent-ils dans leur Compte rendu, que l'achat des blés et des farines se fait par nous, à nos frais et pour notre compte, Il n’y aurait donc espoir de bénéfice qu’autant qu'il nous serait possible de revendre à la halle de Paris nos farines à plus haut prix que celui de notre achat, prélèvement fait de nos frais de transport et de fabrication. — Mais, il est clair que cette survente est impraticable, car le prix de la farine étant toujours subordonné à la quantité qui garnit la halle bien approvisionnée, il s'ensuit que nous travaillons nous-mêmes au rabais du prix, rabais dont les premiers effets retombent sur nous, et par consé-

4. Delamarre. De l'alimentation des peuples... p. 49-51. 2. Observations. 3. Pièces justificatives, 1x, p. 27.