Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

88 LE PACTE DE FAMINE

La liberté complète du commerce des grains « pouvoit seule ranimer la culture, rétablir la circulation intérieure, arrêter les inconvénients du monopole, » disaient ses partisans. Tels durent être les effets que le Roi en attendait lorsque, le 24 mai 1763, il permit, par le premier et le second article de sa déclaration « à tous ses sujets, de quelque qualité et condition qu'ils fussent, même nobles et privilégiés, de faire, ainsi que bon leur sembleroïit, dans l’intérieur du Royaume, le commerce des grains, d'en vendre et d'en acheter, même d'en faire des magasins, ainsi que de les transporter librement d'une province à une autre, sans être obligés de faire aucune déclaration ou de prendre aucune permission ou congé, et sans qu'on pût, pour raison de ce commerce, les inquiéter ou contraindre à aucune formalité. »

De vives contestations s'élevèrent aussitôt au sujet des droits supprimés; les provinces et les communes réclamèrent bruyamment, disant qu'on ne pouvait leur retirer ainsi le plus net de leurs revenus ; « il fallut céder aux circonstances, et il fut déclaré, par des lettres patentes du 5 mars 1764, que, quant à présent, les droits d'octroi, appartenant aux états, villes et communautés, ou faisant partie des fermes générales, n’étoient point compris dans la suppression ordonnée. Les provinces, les villes, les communautés concoururent ainsi à perpétuer les difficultés et la cherté de leur approvisionnement {. »

D'autre part, des réclamations particulières s’élevaient de tous côtés : la bourgeoisie commercante, les gros négociants protestèrent non moins bruyamment contre le droit donné à la noblesse de s'occuper du trafic des bles.

Le tiers, on ne l’a pas assez remarqué, avait des privilèges comme la noblesse, et il y tenait avec entêtement.

Pendant que le gouvernement, pour obéir aux exigences déjà désordonnées de l’opinion publique, prenait ces mesures contradictoires, le prix des grains, au lieu de diminuer, comme l'avaient prédit les partisans de la liberté, augmentait sensiblement. L'inquiétude se manifesta vaguement jusqu'en 1767, dans les provinces les plus atteintes.

Cette année-là, les récoltes ayant été peu abondantes, la panique s’empara de la populace qui proclama la disette. La police crut de son devoir d'intervenir, comme par le passé, entre le marchand et

1. Roubaud, Représentations œux magistrats. (1769), pp. 25, 32.