Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

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et Mirza. Mais, bien que reçu en 1783, ce ne fut que longtemps après qu'on se décida à jouer ce drame sentimental, en trois actes et en prose, sous le nouveau titre de l’Esclavage des nègres ou l’heureux naufrage. La représentation, qui eut lieu le 28 décembre 1789, justifia pleinement les longues hésitations des comédiens et prouva qu'ils eussent été mieux inspirés en laissant le manuscrit indéfiniment au fond des cartons.

En effet, d'après la Gazette nationale du 30 décembre 1789, « Cette pièce fit naufrage des le soir même. On citera, est-il ajouté, peu de représentations aussi orageuses que celle de ce drame. Vingt fois les clameurs opposées des deux partis ont pensé l'interrompre. Avant le lever du rideau, le trouble était déjà dans la salle. On a crié, on a harangué le public, on a ri, on a murmuré, on a sifflé... Le résultat a été beaucoup de bruit et la représentation d’un ouvrage très médiocre; une grande négligence de style, une action boiteuse, des situations forcées, des ressorts usés et rebattus... Après le ballet, qui terminait la pièce, et qui fut applaudi, les sifflets ont recommencé. Nous devons ajouter qu’au commencement du 1° acte, quelqu'un s'était levé pour dire que l’auteur était une femme, et que le public n’en a pas été plus indulgent. »

L’intrigue était des plus simples. Dans un naufrage, Sophie, fille naturelle de M. de Saint-Frémond, gouverneur d'une île française, est sauvée des flots par un Indien nommé Zamor, d’un esprit distingué, et amoureux de l’Indienne Mirza. Un intendant, ayant voulu séduire l’amante de Zamor, est tué par ce dernier. Zamor, condamné à mort pour ce meurtre, est conduit au supplice, quand Sophie, intervenant, obtient sa grâce.

Les soldats ayant mission d'immoler Zamor sont