Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

LA TERREUR 167

quoique le ciel m'eût fait une âme pour en goûter les délices.

« La littérature est une passion qui porte jusqu’au délire. Cette passion m'a constamment occupée pendant dix années de ma vie; elle a ses inquiétudes, ses alarmes, ses tourments, comme celle de l'amour. Mais il m'a pris fantaisie de faire fortune; je veux la faire et la ferai. Je la ferai en dépit des envieux, de la critique et du sort même. » Elle ajoutait : « Je suis femme et auteur, j'en ai toute l’activité; mais, dès que l'explosion est faite, je reste dans un calme profond : Tel est l’effet qu'éprouvent toutes les personnes vives et sensibles. L'activité de dix secrétaires ne suffirait pas à la fécondité de mon imagintion; J'ai trente pièces au moins. Je conviens qu'il y en a beaucoup plus de mauvaises que de bonnes, mais je dois convenir aussi que j'en ai dix qui ne sont pas dépourvues de sens commun... »

À défaut d’une constatation publique, qu’on lui refusait, de sa valeur littéraire, voici en quels termes elle s’exprimait elle-même sur son propre compte, tout en faisant l’aveu de son absence d’instruction :

« On ne m'a rien appris; élevée dans un pays où on parle mal français, je ne connais pas les principes, je ne sais rien : je fais trophée de mon ignorance, je dicte avec mon âme, jamais avec mon esprit. Le cachet naturel du génie est dans toutes mes productions. »

Ce fut aussi à la fin d’une explication avec une personne ayant prétendu que ses ouvrages n'étaient pas d’elle, que, superbement, elle lança à son interlocuteur cette apostrophe typique :

« On trouve communément des hommes de votre espèce, mais apprenez qu'il faut des siècles pour produire des femmes de ma trempe. »

La pièce en quatre actes, inspirée par la campagne