Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

LA TERREUR 169

guerriers. Je ne te connais point, je ne chercherai même pas à te connaître. J'ai entendu le récit de tes exploits; ce fut assez pour que mon imagination s'élevat jusqu'à la hauteur du sujet que’ je vouluis traiter. »

Nous n’entreprendrons pas l’analyse de cette œuvre étrange, semée de luttes et de combat nombreux. Contentons-nous, comme spécimen, de citer le passage suivant : Grisbourdon de Molinard, aumônier de l'armée autrichienne, très amoureux de M#° Charlot, femme d’un vivandier, se trouve, après la prise de la ville, seul avec un espion qu’il a voulu faire pendre.

L’aumônier effrayé lui dit, pour l’adoucir et calmer son ressentiment, qu'ils sont à peu près du même métier.

L’Esprox (en colère).

Moi de ton métier! coquin! Je suis espion, il est vrai; cet état m'honore, mais toi, #louton, paresseux, lâche, inutile à la société, corrupteur des hommes, reçois le châtiment que la colère de Dieu te réserve.

Il lui donne des coups de bâton, le fait tomber par terre, lui marche sur le corps, et dit, en sautant sur lui : « Es-tu mort coquin ? »

Enfin la pièce se terminait par les chants de la Carmagnole, la Marseillaise et le Ça ira!

La représentation fut tumultueuse, mais put cependant s'achever, et, lorsque M'"° Candeïlle se présenta pour nommer l’auteur, au bruit strident des sifflets, on vit àpparaître, sortant d’une loge, une tête de femme déja mûre, effarée, les cheveux en désordre et le bonnet placé de travers, qui s’écria, avec un rude et âpre accent languedocien : « Citoyens! vous demandez l’auteur, c’est moi Olympe de Gouses; si vous avez sifflé ma pièce, ce n’est pas qu’elle fût mauvaise, c’est qu'elle a été horriblement mal jouée. »

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