Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

LA TERREUR 173

ton pronostic, moi, te dis-je, Olympe de Gouges plus homme que femme. Tu donnerais ta vie, dis-tu, pour concourir à la gloire et au bonheur de notre commune patrie. — Voyons Robespierre, tiens-nous parole, délivre ton pays. S'il ne faut que ma vie pour t'y encourager, je suis prête à la donner à ma patrie. »

Puis évoquant le souvenir du dévouement de Curtius : « Sauras-tu l’imiter? » dit-elle, et elle formule l'étrange proposition suivante :

« Nous n'avons point de gouffre entr'ouvert, nous n'avons point de bourreaux, excepé tes massacreurs, qui voulussent se charger de cette expédition. Robespierre ! auras-tu à ton tour le courage de m'imiter? Je te propose de prendre, avec moi, un bain de la Seine, mais pour te laver entièrement des taches dont tu t'es couvert depuis le 10 : Nous attacherons des boulets de seize ou de vingt-quatre à nos pieds, et nous nous précipiterons ensemble dans les flots.

« Ta mort calmera les esprits, et le sacrifice d’une vie pure désarmera le ciel. Je suis utile à mon pays, tu le sais, mais ton trépas le délivrera du moins du plus grand fléau, et peut-être ne l’auraïje jamais mieux servi; je suis capable de cet excès de patriotisme. »

Ce défi, ce sacrifice imité des Romains eut, on le comprend, auprès de Robespierre, le même sort que la provocation, non moins bizarre, adressée précédemment à l’acteur Fleury.

Toutefois, des attaques d’une telle hardiesse, des provocations d'une violence allant jusqu’à la folie, mais révélant, il faut le reconnaître, un rare courage, en raison du milieu où elles se produisaient, devaient l’'amener et l‘amenèrent fatalement, sur la demande de Robespierre, devant le tribunal révolutionnaire, vers la fin de 1793. Elle habitait alors rue du Harlay, section du Pont-Neuf.

10.