Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

COPA NT

174 LE THÉATRE-FRANÇAIS PENDANT LA RÉVOLUTION

L’accusation portée contre elle était : « D’avoir composé des ouvrages contraires au vœu manifesté par la nation entière et aux lois portées contre quiconque proposerait une autre forme au gouvernement que celle d’une république une et indivisible. »

Un des chefs d'accusation signalait l’éloge enthousiaste qu'elle avait fait, dans sa pièce si lamentablement tombée, du général Dumouriez, alors transfuge et accusé du crime de haute trahison.

Le portrait suivant de Dumouriez était surtout incriminé :

« Alexandre n’eût été qu'un petit garcon à ses côtés. C’est Mars en personne qui combat pour la liberté. La terre asservie n’eut qu'un Hercule pour briser les sceptres des tyrans.. La France en a produit des milliers pour les détruire! Jugez si leur règne peut s'étendre plus loin. »

On voulut trouver, dans cette malheureuse pièce, des preuves de complicité avec le général. On la pressa de faire des aveux chargeant Dumouriez, et cela, en invoquant le nom de son fils qu’elle adorait et que sa mort laisserait orphelin.

C’est alors qu'elle fit cette belle réponse :

«Je suis femme; je crains la mort; je redoute votre supplice, mais je n’ai point d’aveux à faire, et c'est dans mon amour pour mon fils que je puiserai mon courage. Mourir pour accomplir un devoir, c'est prolonger sa maternité au delà du tombeau. »

Cependant, son énergie naturelle subit une défaillance au moment de sa condamnation à mort, et, suivant un conseil qu'on lui avait donné, elle chercha à s’y soustraire, en s'écriant : « Mes ennemis ne verront pas couler mon sang, je suis enceinte et je donnerai un citoyen ou une citoyenne à la Patrie! » Toutefois, cette prétendue grossesse fut bientôt démentie par une constatation médico-légale.