Les états généraux en France

866 LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE,

si lé rôle du grand seigneur, lorsqu'il ne trouve point à tirer l’épée, était de se faire courtisan. Mais, avant qu’on en vienne là, il's’en faut bien qu’au détriment du peuple, nobles et rois aient pris coutume de vivre en bons compagnons. Leurs luttes, au contraire, sont fréquentes, et l’histoire de celles-ci serait bien longue à raconter. Sans même nous arrêter à Henri IV, qui ne tint guère à la noblesse que par droit de naissance, et qui fut vraiment, dans toute l'acception du mot, le roi populaire, Louis XI, Louis XIV, Richelieu, plus roi que le roi son mailre, ont laissé tous trois d'assez grandes figures dans l’histoire, pour qu’il soit inutile d’insister.

Lorsque, renonçant à faire le passé de la France à sa guise ou à le croire tel que l'ont fait les passions et les préjugés de notre époque, on se donne la peine de l’étudier tel qu’il fut, ‘on s’aperçoit vite que la prétendue alliance des privilégiés avec la couronne est une des plus grandes contre-vérilés sous le joug desquelles nous nous sommes laissé mettre.

Nous faisons preuve aussi d'ignorance et de légèreté, lorsqu'il nous arrive de confondre deux époques bien différentes l’une de l’autre, deux périodes qui, dans l’histoire de France, ne se ressemblent pas du tout. Il est assurément permis, et même il est judicieux, — judicieux surtout parce que c’est commode, — de qualifier du nom d’ancien régime tout ce qui précéda 1789. De la sorte, on simplifie le langage ; et d’ailleurs, pour s'exprimer ainsi, on a cette bonne raison à donner que, en ce qui concerne l'égalité des citoyens et l’abolition des classes sociales, 1789 marque réellement une ligne de partage entre deux mondes. Mais lorsque, se plaçant au point de vue des libertés publiques, on confond, sans faire aucune différence ni réserve, sous le nom d’ancien régime, nos cent cinquante années de monarchie pure et absolue avec les siècles qui furent ceux de la féodalité et du moyen âge, on commet une erreur grossière: Sous ce rapport, il n’y a pas qu'un ancièn régime; il y en a deux, et même on peut dire que

Le plus ancien des deux n’est pas celui qu'on pense.

Le plus ancien, comme date, est, en réalité, le plus libéral. Celui où les citoyens ont le moins de franchises est notre voisin immédiat. Ce n’est pas, en effet, dans les siècles les plus rapprochés du nôtre, c’est longtemps avant cela, qu'un roi de France, s’avisant de dire à un de ses feudataires : «Sire comte, irez en guerre ou serez pendu, » le comte répond sans setroubler : « Sire roi, n’irai point en guerre, et ne serai pendu. » Il ne le fut pas, et ceci prouve qu'au vieux temps les rois de France ne faisaient pas, comme on le croït, tout