Les états généraux en France

LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE. 867

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ce qu'ils voulaient; qu’ils étaient soumis à d’autres règles qu’à celle de leur bon plaisir. Au point de vue de certaines libertés, c’est ce temps-là que pouvaient, à bon droit, regretter nos bisaïeuls; c'est celui qu'au lendemain de certains coups d'État, nous avons pu regretter nous-mêmes. Ce n’est pas, — prenons bonne note de ceci, — de créer en France une forme nouvelle de gouvernement ; c’est, au contraire, de «se ressouvenir de la vraie forme du royaume, » c’est-à-dire de tempérer le despotisme royal, et de rendre à la nation certaines libertés d'autrefois, qu’au siècle de Louis XIV il est question dans les entretiens de Fénelon avec son royal élève, le duc de Bourgogne: Remontons plus haut. « Le roi est pour le royaume, et non le royaume pour le roi : » cette maxime, d’où forcément la liberté politique découle, est publiquement professée au treizième siècle par saint Thomas d’Aquin, et tout porte à croire qu’elle était admise même avant cela. N'est-ce pas au siècle suivant, sous Charles VI, que le chancelier de Dormans s’écrie : « Les rois auraient beau le nier cent fois, c’est par la volonté des peuples qu'ils règnent, et c’est la force des peuples qui les rend redoutables! » Combien de nos contemporains se figurent qu’il y a là une découverte des temps modernes, dont nous sommes redevables à la Révolution. Eh non! c’est la doctrine que professaient, on le voit, il y a cinq et six cents ans, non-seulement un chancelier du roi de France, mais celui qu’on appelle encore l’Ange de Pécole : deux au-° torilés qui devraient, ce semble, protéger la royauté d'autrefois, et aussi la théologie chrétienne, contre ceux qui les accusent d’avoir comploté ensemble pour inventer, au profit du despotisme royal, ce qu'on appelle le droit divin. Le droit divin existe en ce sens que tout pouvoir ici-bas a en Dieu même son origine et sa sanction. Mais la doctrine a perdu crédit, et perdu crédit parce qu’on l’a faussée, le jour où les amis du roi ont oublié ce qu’au vieux temps le roi lui-même faisait profession d’admettre : c’est qu’il règne pour le peuple et par Le peuple.

Il faut convenir que, dans la pratique, les rois ont souvent violé le précepte; mais c’est seulement au dix-seplième siècle que l’un d’entre eux s’est avisé de le nier audacieusement. Le jour où, méconnaissant le principe d'utilité publique, en vertu duquel ses devanciers avaient porté le poids de la couronne, un roi de France osa dire : «L'État, c’est moi, » il ne dit pas seulement un mot arrogant et faux; il dit une contre-vérité historique ; il dit un mot tout à fait nouveau, si nouveau qu'après deux siècles écoulés, cela étonne et scandalise encore. À ce mot, on a répondu depuis. La réponse fut que le tiers état, qui se fatiguait de n’êlre rien, et qui