Les états généraux en France

LES ÉTATS GÉNÉRAUX EN FRANCE. 865

que — le roi, le seigneur et le prélat, maîtres chacun d’une tour ou d'une porte de telle ou telle ville, se disputaient la souveraineté et le gouvernement de la ville entière. Et M. Augustin Thierry ajoute qu’alors, « heureusement pour la bourgeoisie, » ces trois puissances s’accordaient fort mal. Non-seulement à cette époque, mais depuis, on a vu quelquefois les ordres privilégiés se disputer entre eux; et, quant aux luttes de la royauté avec l’un ou l’autre de ces deux ordres, on peut soutenir qu’elles sont plus fréquentes que leur accord : il semble que lhostilité, non l'harmonie, soit Pétat normal.

Tantôt, en effet, et particulièrement au seizième siècle, on voit le peuple recourir à lantorites royale ; il invoque comme une protection contre les seigneurs, sans peut- être assez se préoccuper de savoir si la dureté de la tyrannie wira pas un jour jusqu'à lui faire, à certains égards, regretter le nombre des tyrans. Tantôt, comme aux premiers États de Blois (1576), c'est à la noblesse que le clergé résiste, soit qu’il s'agisse de défendre les biens du tiers contre l'accroissement des taxes seigneuriales, soit qu’il faille protéger le troisième ordre dans la liberté et l'honneur de ses filles contre les mariages forcés, mariages qu’une ordonnance royale, faisant droit aux vœux exprimés par le corps ecclésiastique, interdit et flétrit en les assimilant au crime de rapt. Tantôt, comme aux seconds États de Blois (1588), qui précèdent ceux de la Ligue, c'est à la royauté que le clergé fait la loï. C’est lui qui, par son attitude énergique, entraîne la résistance des deux autres ordres et oblige le dernier des Valois à promettre qu’il rendra édit conforme à la volonté des États. Si le fourbe Henri III, si l'assassin du duc de Guise, bientôt assassiné lui-même, devait plus tard violer son serment, toujours est-il qu’il le prêta. Avant de l’enfreindre, il alla même jusqu’à le renouveler, contraint et forcé par la résistance que l’ordre ecclésiastique surtout

_avait apportée à l'exercice du bon plaisir royal. Telles sont, au reste, pour le dire en passant, la légèreté et l'injustice populaires, qu’elles ne s’arrêtent jamais à mi-chemin; elles sautent volontiers d’un pôle à l’autre, et, même aux heures où elles accusent le clergé de sacrifier aux rois les droits des peuples, elles l’accusent aussi d'armer la main de ceux qui assassinent les rois, la main des Ravaillac et des Jacques Clément.

Peut-on dire que la noblesse se soit, mieux que le clergé, corde avec la royauté pour en venir à dominer à elles deux ? Non. Le vrai tort de la noblesse en France fut d’avoir souvent donné à entendre qu’elle se considérait comme pétrie d’un autre limon que celui du reste des hommes. Son tort fut aussi, quand elle quitta les champs de bataille, de se réfugier dans les antichambres, et d'agir comme