Les hommes de la Révolution
HT Que
cet homme, comment a pu naître et se former cette légende qui consiste à le montrer sous un jour si odieux qu'on n'ose le contempler de trop près. Marat! ce nom n'estil pas synonyme’ de cruauté ? n'évoque:t-il pas des journées de meurtre, du sang répandu, d’abominables forfaits et Victor Hugo ne l’a-t-il pas placé, dans l'échelle du crime, immédiatement au-dessus de Lacenaire (1)? Marat! n'est-ce pas, pour nos contemporains, une sorte de monstre comme en produit, de loin en loin, l’histoire, un de ces fous sanguinaiïres, destiné à prendre rang à côté des Néron, des Caligula, des Borgia? N'est-ce pas le symbole de l'Assassinat, hideux et repoussant?
Cependant, si l'on réfléchit un instant et si l’on se souvient de la popularité qu'’obtint cet homme; si l’on songe aux souffrances qu'il s’infligea délibérément pour la cause populaire; si l'on sait voir quel amour il inspira aux démocrates et aux révo-
- lutionnaires qui manquèrent le diviniser et l’adorer comme une sorte de Dieu nouveau, on demeure étonné et déconcerté.
C’est que Marat n’a pas encore trouvé l'historien vengeur qui se charge de le réhabiliter devant la postérité. Tous ont reculé devant ce qui leur semblait le plus détestable des paradoxes. Tous se sont contentés de recueillir les impostures et les malveillances, puisées dans les pamphlets et les mémoires du temps, apportant ainsi leur contribution à l'édification de la monstrueuse légende. (1) Les Misérables.