Les philosophes et la séparation de l'église et de l'état en France à la fin du XVIIIe siécle
LES PHILOSOPHES ET LA SÉPARATION DE L'ÉGLISE ET DE L'ÉTAT. 43
tâche principale consiste à leur faire contracter de bonnes habitudes!. Pour Dupont de Nemours, la loi a quelque chose de mystique. Elle participe à la justice éternelle. Les hommes ne la font pas, ils la « déclarent », comme l’expression de la raison suprême qui gouverne l'Univers?. Turgot veut instituer une éducation d'État, animée d'un seul esprit et d’un esprit utile à la patrie.
Lui aussi est convaincu qu'une bonne Constitution fera le bonheur de la France.
Demandant beaucoup à l'État, le considérant comme une Providence terrestre, les philosophes l’arment naturellement des pouvoirs les plus étendus et ils lui subordonnent la religioni. Ils réclament pour le prince ou pour le souverain, que ce souverain soit un homme ou une collectivité, non seulement le droit d'exiger du clergé le respect absolu des lois, de toutes les lois, mais encore le droit de contrôler jusqu'à l'enseignement de l'Église, jusqu’au dogme!
Ils sont des adversaires du catholicisme, qu'ils jugent antisocial, incivil, comme ils disent, mais ce ne sont pas des adversaires de l’idée religieuse. Même les plus rationalistes en apparence ne conçoivent pas un État sans religion, un État sans dogmes, au moins politiques et moraux, un Etat neutre, un État qui n'exigerait pas de tous ses membres la reconnaissance d’un credo.
Comprenons-nous- maintenant pourquoi les hommes de 89 n’iront pas d'emblée à la solution de l'État laïque, à la séparation de l'E Église et de l'État?
En bons élèves des philosophes, ils essaieront d’abord de nationaliser le catholicisme, de le mettre au service de l’ordre nouveau. Cette tentative, c’est la Constitution civile du clergé, à laquelle auraient applaudi Montesquieu, Voltaire, tous les encyclopédistes. Mais la Constitution civile du clergé, qui faillit
1. De l’étude de l'histoire, 1, u, dans recueil cité, p. 308-310.
2. Maximes du docteur Quesnay, ibid., p. 332.
3. Mémoire au Roi sur les municipalités, ibid., p. 360 et suiv.
4. M. L. Ducros, dans son excellent livre sur les Æncyclopédistes (Paris, Champion, 1900), a déjà dénoncé la manie des encyclopédistes de tout rapporter à l'État : « Leur législateur idéal », dit-il très justement, e a le devoir de rendre les hommes non seulement heureux, mais vertueux » (p. 159-160). M. E. Faguet a fait sien ce jugement de M. Ducros sur les encyclopédistes : « Ils se détachent bien moins qu'on ne pourrait croire de l'antique conception de l'État.…., ete. » (Revue des Deux Mondes, 15 février 1901).