Les philosophes et la séparation de l'église et de l'état en France à la fin du XVIIIe siécle
6 ALBERT MATHIEZ.
puissance temporelle. Dans ma maison, reconnaît-on deux maîtres, moi, qui suis le père de famille et le précepteur de mes enfants, à qui je donne des gages? Je veux qu'on ait de très grands égards pour le précepteur de nos enfants; mais je ne veux point du tout qu’il ait la moindre autorité dans ma maison! » On connaît les vers célèbres de la tragédie des Guébres :
Que chacun dans sa loi cherche en paix la lumière, Maïs la loi de l'État est toujours la première.
En un mot, tolérance pour les cultes, mais subordination étroite des cultes à l'État, voilà le programme de Voltaire?. L'État devra surveiller, réformer, épurer la religion. Les couvents seront réduits, la mainmorte paiera l'impôt, les prêtres seront utilisés, dans l'intérêt général, par exemple pour propager la vaccine ou la culture de la pomme de terre. Les magistrats ne leur permettront d'enseigner que des choses raisonnables ou des mystères déraisonnables socialement utiles. « La religion n'est instituée que pour maintenir les hommes dans l'ordreÿ, »
La pensée de Voltaire a été la pensée du siècle. Aucune autre ne la contredit. Elle a pénétré toutes les intelligences. Elle règne sans conteste.
Ouvrons les livres des écrivains les plus audacieux, de ceux même que Voltaire trouvait trop avancés, le Système de la nature ou le Système social ou la C'ontagion sacrée de d'Holbach, l'Esprit ou l'Homme d'Helvétius.
… D’Holbach définit le sacerdoce « une ligue formée par quelques imposteurs contre la liberté, le bonheur et le repos du genre humain »{. Ne coneluez pas qu'il faille supprimer au plus vite une institution aussi horrible. D'Holbach est un politique modéré, ennemi des solutions intransigeantess. Une réforme de l’éducation lui suffit. L'État laissera subsister la ligue des imposteurs,
1. Les écrivains politiques…, p. 117 (extr. de La voix du sage et du peuple).
2. M. Rothenbücher a bien vu que Voltaire fondait la tolérance sur la raison d'État, sur l'utilité sociale, el non pas, comme les Anglais et les Américains, sur les droits de l’homme (op. cit., p. 65).
3. Voltaire ajoute « et leur faire mériter les bontés de Dieu par la vertu », mais l'addition, on le sent, est de style. Les écrivains politiques…., p. 120 (extr. de l’article Droit canonique du Dictionnaire philosophique).
4. Les écrivains politiques, p. 214 (extr. de la Contagion sacrée).
5. Cf. ce qu'il dit de la violence et de son inutilité. Zbid., p. 221 (extr. du Système social).