Les serviteurs de la démocratie

198 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE s’unirent dans la protection de la vie humaine. Mais il n’en faut point conclure qué la vaillance de Lagrange fût attiédie par les années. S'il était devenu pacifique, c'était par respect pour le suffrage universel. [l redevint belliqueux quand la Démocratie en péril appela ses serviteurs au secours de la liberté menacée par l'attentat du Deux Décembre. Alors le vieil insurgé se retrouva tel qu'il avait été au lemps de sa jeunesse. Il prit part à l'appel aux armes de ses collègues de la gauche. Malheureusement, surveillé de près, suivi partout, il fut arrêté un des premiers et aussi un des premiers porté sur la liste de proscriplion.

Réfugié à Bruxelles pendant quelques années, on le dénonça comme dangereux, en Belgique, pour la sù reté du gouvernement français. Îl dut s’avancer plus loin dans l'exil et gagner la Hollande. Là, campé à La Haye, il languit plusieurs mois, mourant de ce mal terrible qui s'appelle la patrie perdue. Pauvre et toujours fier, Lagrange se montra, pendant ces jours d'angoisse, ce qu'il fut toute sa vie, un stoïcien.

J'ignore quelle épitaphe on a placée sur la tombe de ce proscrit, mais j'en sais une qui lui convient, celle-ci :

« Ici repose un républicain de l'âge héroïque. »

Ces simples mots ne valent-ils pas une longue oraison funèbre?