Les serviteurs de la démocratie

EUGÈNE CAVAIGNAC 231

sentants du peuple auraient-ils bien fait, comme quelques-uns l'ont cru, de ceindre leurs écharpes et de se présenter pour les apaiser devant les ouvriers révoltés ? Je le pense. Pendant la grande Révolution, Péthion, maire de Paris, avait, par ce procédé, plus d’une fois calmé l’émeute. Mais pouvait-on demander à M. le comte de Falloux et à ses amis politiques de reprendre la tradition de la Révolution française ? Eugène Cavaignac, lui, était un soldat, et les questions de discipline et d’obéissance à la loi avaient à

ses yeux une impor tance souveraine. [/ insurrection qui

s’'annonçait lui semblait menaçante pour la République. Nous l'avons entendu prononcer ces paroles : « Si l’armée est vaincue, la République est perdue ! »

On s'explique que dans cette situation d'esprit le général Cavaignac n'ait laissé de côté aucun moyen non seulement de vaincre, mais d’écraser l'émeule qui se dressait contre la République du suffrage universel. Il aurait dû, a-t-on dit, agir avec plus de promptitude, attaquer l'insurrection à ses débuts et la battre en détail. La laisser grandir et devenir formidable — c'était, ajoutet-on, agir en ambitieux qui cherche la dictature, et non en patriote qui poursuit l’apaisement. Mais il faut remarquer que Cavaignac est resté fidèle à son caractère et à son esprit mesuré et froid, en n’acceptant pas un moyen de répression rapide qui lui paraissait une aventure et un danger pour le pays. Le reproche d'aspirer à la dictature dans des circonstances pareilles est une monstruosité que réfute le passé et la noble conduite du général dans les circonstances suivantes.

Les dictateurs sont des hommes de coup de main qui font {ourner les malheurs de la patrie à leur prolit personnel: Ils se maintiennent par le crime au pouvoir qu'ils ont conquis par le sang.