Lettres inédites de Frédéric Gentz à sir Francis d'Ivernois (1798-1803)

Ce résultat, dont je fournirai les preuves arithmétiques, me confirme de plus en plus dans l’espoir que la machine arrive rapidement à sa détracation et qu’elle ne pourra pas cheminer longtemps, à moins que ses voisins ne la laissent alimenter à leurs dépens. Auront-ils la lâcheté de le lui permettre? Voilà ce dont dépend le sort de la civilisation du monde.

Je ne peux vous dire à quel point j'ai été affecté de ce que vous me dites des progrès de l’esprit révolutionnaire dans les contrées qui vous environnent. Je ne crois pas convenable de m'étendre ici sur ces affligeants détails. Mon unique espoir est que vous continuerez à être le Burke de l’Allemagne, et que vous aurez la gloire d'ouvrir encore les yeux de vos compatriotes sur les dangers qui les menacent et qu’on ne DUUE plus détourner qu’en allant au-devant d’eux.

Jai un tableau bien plus consolant à vous faire de ce pays-ci. Il est inconcevable combien l’esprit public s’y est amélioré et quel énergique essor il a pris depuis que les gouvernants français ont eu l’extravagance de dire qu'il n’y avait plus de paix pour les Anglais que dans leur destruction. Tous les cœurs semblent à l’unisson et vous pouvez être sûr qu’à Fépoque où vous recevrez cette lettre, il y aura dans les trois royaumes près de quatre cent mille hommes armés, et j’ose vous répondre que, si le moment de l’épreuve arrive, l'Anglais déploiera une bravoure personnelle et un dévouement qui fera la honte du Continent et l’un des plus beaux triomphes de la liberté. L’événement prouvera aux administrateurs des autres nations vaincues et humiliées ce qu'on aurait pu attendre d’elles, si elles avaient eu à leur tête des chefs bien pénétrés de la grandeur du danger, également déterminés à ne point le dissimuler et à le braver.

Grâce à l’élan de l'esprit public, à la réunion de tous les partis et à la vigueur des mesures prises, j'attends la déconfiture des Français, s'ils abordent sur ces côtes avec une pleine et entière confiance. C’est alors aussi que j’espère, comme vous, une crise qui pourra sauver l’Europe, si ses chefs ouvrent les yeux et profitent de cet événement pour briser les chaines que