Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

132 CONFÉRENCE DE PARIS ET CONGRÈS D'AIX-LA-CHAPELLE»

ne s'adresse pas au système, mais à l’opportunité qu'il peut y avoir à le déclarer dans une lettre circulaire. Dût-elle se borner à annoncer simplement une autre réunion, je douterais de cette opportunité, car de semblables lettres font rarement un bien quelconque et suscitent pour l’ordinaire dans le parlement des débats très fâcheux. On peut donc recourir à tout autre moyen pour annoncer la chose. — Mais les objections de Canning (1) ne portent pas seulement sur le mode de la déclaration à faire, elles s’attaquent au système même des réunions périodiques. 11 ne pense pas que le neuvième article (du traité du 20 novembre), sur lequel on s'appuie pour les demander, ait été conçu comme s'appliquant à d’autres réunions que celles qui seraient nécessaires pour surveiller l'état intérieur de la France en tant qu’il pourrait mettre en danger la tranquillité européenne. Il croit que le système de réunions périodiques des grandes puissances en vue des intérêts généraux de l'Europe appartient à une politique nouvelle et très contestable, qu’il aura pour conséquence nécessaire de nous engager profondément dans la politique du continent, tandis que notre vraie politique a toujours été de n’intervenir que dans les très grandes circonstances et de le faire alors avec des forces décisives. Il a la conviction que tous les autres états protesteraient contre la tentative de les réduire ainsi à un état de sujétion, que les réunions projétées déviendraient un théâtre de cabale et d'intrigue, et que le peuple anglais en arriverait bientôt à s’alarmer pour ses libertés, si notre cour entrait en délibérations réglées avec les grandes monarchies despotiques sur la question de savoir quel degré d'esprit révolutionnaire peut mettre en péril la sécurité publique, et par suite exiger l'intervention de l'alliance. Il n’a pourtant produit cette raison que comme un argument populaire. — Je ne partage pas l'opinion de Canning, et aucun des membres du conseil n’y adhère non plus; mais si c’est là son sentiment, il n’est pas déraisonnable de présumer que ce sera aussi celui de beaucoup d’autres personnes, sans compter nos adversaires habituels. Et dans quelle intention, je vous le demanderais, prendre le taureau par les cornes? Pourquoi voudriez-vous, par une promulgation prématurée, appeler un parlement nouveau, dont les inclinations sont encore douteuses, à se prononcer immédiatement sur le principe d’un système qui, si l’expériencé le démontre bon, s’établira de lui-même, chaque réunion donnant naissance à une autre, si on en éprouve d’heureux effets? Et comme tous les systèmes politiques ont leur époque, il y aura cet avantage à ne pas rendre les réunions périodiques, que, le jour où il faudra y renoncer, elles finiront naturellement sans qu’un tel changement fixe l'attention publique. — Il ne peut y avoir aucune objection à ce que les cabinets conviennent entre eux de continuer à se réunir, et le neuvième article (du traité du 20 novembre) y a même si complétement pourvu, que tout engagement additionnel dans ce sens serait:superflu. Tout ce que vous avez besoin de faire, c’est de fixer le moment de la plus prochaine réunion, et vous verrez que Canning lui-même ne s’y oppose pas. — Je suis sûr que vous connaissez trop nos sentimens envers vous pour ne pas être certain

(1) George Canning, qui avait été quelques années auparavant secrétaire d'état pour les affaires étrangères et était ensuite sorti du cabinet, venait d’y rentrer comme président du bureau de contrôle.