Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

CONFÉRENCE DE PARIS ET CONGRÈS D'AIX-LA-CHAPELLE. 133

que nous serions bien vivement affligés, si cette dépêche vous trouvait tellement engagé dans la résolution de fixer des réunions périodiques, qu’il vous fût difficile d’y demander quelque modification; mais vous comprendrez très certainement qu’elle nous susciterait tout à fait gratuitement de grandes difficultés parlementaires. Si vous écrivez une lettre circulaire aux autres cours, il est à désirer pour vous-même que vous puissiez nous en envoyer d'avance la minute, car les documens de cette espèce deviennent souvent l’occasion de discussions fort inutiles dans le parlement quand ils ne sont pas rédigés avec beaucoup de soin. »

Cette lettre de lord Bathurst est importante. On y voit que le cabinet le plus tory et à certains égards le plus aveuglément conservateur qu’ait eu l'Angleterre depuis le commencement du siècle, ce cabinet si fortement lié à la politique des cours continentales, se sentait déjà pourtant dans l'impossibilité d'y persévérer en présence des réclamations de l'opinion publique, à moins qu’on n’y apportât des modifications. On y voit que dans ce cabinet même l'homme le plus éminent, ou pour mieux dire le seul éminent par son éloquence et par la vivacité hardie de son esprit, Canning, si antipathique à ses collègues, qui ne pouvaient ni s’accoutumer à lui, ni, lorsqu'une rupture les avait séparés, se passer longtemps de l'appui de ses talens, préludait déjà à la scission éclatante par laquelle il devait, quatre ans après, rompre définitivement les liens de la grande coalition formée en 1813.

Une seconde lettre de lord Bathurst, écrite trois jours après la précédente, complète le développement de cette situation.

«La dépêche que je viens de recevoir, y dit-il, me donne lieu d’espérer que l’affaire prend une direction qui nous tirera de nos difficultés. Je pense, je l'avoue, que ce qu’on aurait pu faire de mieux eût été de se séparer sans faire aucune déclaration. Nous savons en effet avec quelle rudesse on a coutume de manier ces papiers d'état dans le parlement, et pour peu qu'en les défendant ou en les interprétant, les divers membres du gouvernement tombent, les uns à l’égard des autres, dans la plus légère contradiction, Vopposition en prend avantage pour découvrir et signaler des dissentimens qui, en pratique et pour le moment du moins, seraient autrement sans aucyne importance. Je comprends cependant combien il serait difficile à une assemblée constituée comme la vôtre de se séparer sans nous avoir fait une déclaration quelconque : aussi me bornerai-je à dire que plus elle sera générale, mieux cela vaudra... —La grande difficulté consiste dans la manière d'inviter le roi de France à prendre part à ces réunions en tenant compte de ce principe, que le grand objet auquel elles se rapportent, c’est la France elle-même. Si vous leur assignez un objet plus général, nous donnons par 1à à la quadruple alliance un caractère nouveau, et nous exciterons la jalousie des autres puissances, qui... auront le droit de se plaindre, si elles sont exclues, »