Lord Castlereagh et la politique extérieur de l'Angleterre de 1812 à 1822

140 LA CRISE EUROPÉENNE ET L'EMPEREUR ALEXANDRE.

pemens du principe constitutionnel. Pour se faire une idée exacte de ce qui se passait à Paris, ce souverain ne tarda pas à y envoyer son secrétaire d'état, le comte Capodistrias, homme d’un esprit élevé, de sentimens libéraux, qui avait en ce moment sa principale confiance, et dont l'influence sur la politique extérieure de la Russie dépassait de beaucoup celle du comte de Nesselrode, chef titulaire du département des affaires étrangères. Rien ne donne lieu de supposer que les informations transmises par M. Capodistrias à l’'empereur Alexandre aient contredit celles du général Pozzo.

Le cabinet britannique était trop profondément imbu des doctrines du torysme pour qu’il lui fût possible d'approuver la direction nouvelle imprimée aux affaires de France. Néanmoins son ambassadeur, sir Charles Stuart, vit avec quelque complaisance la chute d’un ministère qu'il accusait de subir trop exclusivement l’ascendant de l'envoyé de Russie. Peut-être avait-il espéré d’abord que M. de Talleyrand prendrait la place de M. de Richelieu; à son défaut, il ne tarda pas à former des rapports assez étroits avec M. Decazes. Il se vantait pourtant, dans sa correspondance avec lord Castlereagh,

"être resté complétement étranger à la crise ministérielle, bien qu’on lui eût fait entendre que la connaissance des souhaits du gouvernement britannique pourrait influer sur l’issue de cette crise, et d'avoir constamment répondu que ses instructions non-seulement lui interdisaient toute intervention semblable, mais lui recommandaient même d'éviter l'expression d’une opinion. « Peut-être, ajoutait-il, aurait-il été à désirer que tous mes collègues eussent observé la même réserve. » Ce dernier trait était dirigé contre le général Pozzo.

La France n’était pas le seul pays qui excitât en 1819 les inquiétudes des amis de l’ordre et de la paix. L'Allemagne semblait même bien plus immédiatement menacée d’une révolution. L’exaltation des esprits, échauffés par les déclamations de certains professeurs et par les violentes provocations de la presse, était effrayante. Les universités surtout étaient en proie à un désordre moral qui se manifestait quelquefois par de grands scandales. — L’assassinat de Kotzebue, égorgé par un étudiant fanatique qui l’accusait de se faire auprès de l'empereur Alexandre le dénonciateur du libéralisme allemand, devint le signal d’une réaction énergique contre ces excès. Comme il arrive presque toujours, cet accident, symptôme dramatique d’un mal depuis longtemps évident aux yeux de tous les hommes sensés, fit plus pour éclairer le vulgaire que n’eussent pu faire les argumens les plus irréfragables, et les gouvernemens y trouvèrent la force de recourir enfin à des moyens de défense efficaces. Le cabinet de Berlin s’effrayait de plus en plus de la violence de l'orage qu’il avait contri-