Louis XVI et la Révolution

LA COUR. 85

chagrin de voir détruire en partie ce que le jugement et le bon esprit de Madame la Dauphine lui fait adopter de raisonnable. Les conseils de Mesdames tendent à énerver l’âme de Madame la Dauphine. »

Monsieur, lourd et massif personnage, au témoignage d’Hézecques, maladroit aux exercices physiques, se dandinant d’une façon disgracieuse en marchant, essaye de racheter sa mauvaise mine par de superbes parures : « On ne pouvait s’habituer à sa mauvaise tournure, avoue l’ancien page de Louis XVI, malgré sa recherche et l'élégance de ses habits. » Il jette par toutes ses fenêtres l'argent des autres. Chargé d’aller visiter le midi de la France, il se fait faire un habit orné de diamants, estimé deux millions. Il ruine son frère, en argent et en crédit. Il tâche à se faire une popularité personnelle aux dépens du roi. En 1788, le bruit se répand dans le public que, à l'assemblée des notables, Monsieur plaide la cause du tiers état, et qu’il se fait le défenseur de cette classe longtemps sacrifiée au noble et au prêtre, comme dit l’auteur de la Correspondance secrète. Au fond, il a le plus profond dédain pour Louis XVI, le trouve gênant, et se permet de le baptiser des sobriquets les plus dédaigneux. Le 1% novembre 1789, il écrit à Favras, qui avait projeté d’enlever le roi : « Ce plan a l’avantage d’intimider la nouvelle cour, et de décider l'enlèvement du soliveau. Tout ce que l’on veut est pour son bien : puisqu'il aime la nation, il sera enchanté de la voir bien gouvernée. » En revanche, Louis XVI l'appelle quelque temps par dérision : « Monsieur le Notable. »

Le comte d'Artois ne ressemble à Monsieur que sur un point : il est dépensier comme lui; vrai bourreau d’argent, il fait des dettes par millions. Le 16 octobre 1781, Mercy écrit à Joseph IT : « Il vient de se manifester que ce jeune prince est endetté de vingt et un millions à la suite de beaucoup de dépenses sourdes. Le roi est sollicité de payer cette dette énorme, mais le temps de guerre s’y oppose. » Calonne est