Louis XVI et la Révolution

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la position trop mince pour lui. Simple comte, il accepte le titre de duc héréditaire, et le tabouret pour sa femme, parce qu'il compte bien « asseoir le titre de duc sur une terre qui sera sans doute achetée aux dépens du trésor royal. » Mercy, que de pareilles faveurs inquiètent pour la reine, fait le compte de toutes les grâces que Marie-Antoinette a fait pleuvoir sur cette famille : il calcule en 1779 que, en quatre ans, les Polignac ont conquis cinq cent mille livres de rente. Encore convoitent-ils en plus un domaine de cent mille francs de revenu. Ils y renoncent pourtant, en échange de quatre cent mille livres une fois données, de la promesse d’une terre qui rapporte trente-éinq mille livres de rente, et de huit cent mille francs en argent pour la dot de leur fille. Au moment où le trésor est plus lourdement obéré que jamais, pendant une guerre, la reine arrache une dot de cent mille écus pour M de Guines. Les Polignac sont de généreux amis qui ne gardent pas leur faveur uniquement pour eux-mêmes. Pendant. trente jours ils bouleversent le ministère de la guerre pour caser leurs créatures. Si quelque secrétaire d'État manque de complaisance, il tombe vite sous les coups des Polignac et des Vaudreuil. Le favori spécial de la favorite obtient pour ses services personnels une pension de trente mille livres, et un domaine d’un égal revenu. — Voilà tout ce que rapporte l'amitié de la reine, savamment exploitée. Il est juste d’ajouter que cette amitié est une véritable passion. Cet amour est comme tous les autres : il ne va pas sans orages. Onse brouille, on se raccommode, la reine allant jusqu'à se jeter aux genoux de la duchesse, à lui demander pardon; c’est encore le trésor publie qui fait les frais de ces réconciliations. Et c’est sur la reine que retombe la responsabilité de toutes ces dilapidations, sans parler de désagréments d’une autre nature, et plus graves encore. Lorsque la cabale des Polignac se décide à quitter la cour et la France, quelqu'un dit à Gouverneur Morris « que les Écuries d’Augias de Versailles étaient maintenant tout