Louis XVI et la Révolution

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son nouveau pays. Trois fois seulement, dans toutes ses lettres, elle écrit et pense en Française. Elle se fait auprès de l’impératrice l’avocat de ses sujets, tout en reconnaissant qu'ils ont bien des, torts : « Ma chère maman a toute raison contre la légèreté française, mais je suis vraiment affligée qu’elle en conçoive de l’aversion pour la nation. Le caractère est bien inconséquent, mais il n’est pas mauvais. » Elle parle encore en vraie Française de nos désastres sur mer, parce que l’Autriche n’a rien à voir là-dedans, et la mère de la petite dauphine écrit en 1780, à propos de l'Amérique : « Il serait affreux d’essuyer encore des malheurs par là; j'avoue que je ne pense pas à cela de sang-froid. » Il faut même reconnaître qu'une fois, bien qu'il soit question de l’Autriche, elle essaye de tenir la balance presque égale : le 15 mai 1779, elle écrit à sa mère : « Certainement mon plus grand soin sera désormais à soutenir l'union entre mes deux pays, si je puis m’exprimer ainsi. » Mais ce bon mouvement n’est qu’une phrase, et toute la conduite diplomatique de la reine le dément. Jamais MarieAntoinette n’a compris cette juste théorie que Gustave IIT exposait à Louis XVI : « Nos inclinations à nous autres sont subordonnées à celles de nos États; notre famille, c’est notre peuple, et nos parents sont les alliés naturels de notre État. » Elle a toujours pensé ce qu’elle disait à Merey en 1772, « que dans tous les cas son cœur serait pour sa famille, et que, s’il existait des brouilleries, elle sentait que ses devoirs deviendraient trop difficiles à remplir iei ».

Ajoutons à sa décharge qu’elle était fortement poussée dans cette voie par les siens, qui, après lui avoir au début prêché l’abstention, ne cessaient de la faire intriguer en faveur de l'Autriche. C’est surtout dans l’affaire de la succession de Bavière que le complot est flagrant. Au commencement, MarieThérèse procède par l’intimidation : « J'ai besoin de tous vos sentiments pour moi, votre maison et votre patrie. » Les grands moyens sont mis en avant : c’est une affaire de vie ou