Louis XVI et la Révolution

MARIE-ANTOINETTE. 69

elle vraiment convaincue qu'il y a pour la France tout intérêt à attaquer la Prusse au moins diplomatiquement ; elle le dit à Marie-Thérèse : « Je suis bien persuadée qu’il y va de la gloire du roi et du bien de la France, sans compter le bien-être de ma chère patrie. » Mais c’est justement ce dernier élément qui compte, et beaucoup, dans ses calculs. Au fond, tout passe pour elle après la raison de famille, tout, même la raison d'Etat. Nous la voyons tenir Vienne au courant des vrais sentiments du roi, des plus secrètes délibérations du conseil. Quand elle ne peut empècher une démarche, tout au moins elle la retarde : pendant sept jours elle suspend le départ d’un courrier. C'était à la reine que Vienne s’adressait lorsqu'il s'agissait de faire passer quelque projet « qui ne pouvait pas, avoue cCyniquement Mercy, trop convenir à la politique de la France ». C'était décidément un bien bon ambassadeur que la cour d'Autriche avait accrédité auprès du roi de France, dans la personne de Marie-Antoinette.

Si la reine n’a pas fait plus de bien à l'Autriche et plus de mal à la France, ce n'est pas par affection pour son pays d'adoption, mais pour deux causes indépendantes de sa volonté. C’est d’abord l'influence de ses amis particuliers, qui contrariaient, non par patriotisme, mais par intérêt personnel, les vues de l'Autriche et les efforts de Mercy ; celui-ci éerit au prince de Kaunitz : « Quand il s’agit d'objets sérieux et d’un intérêt direct pour la reine, elle devient timide, incertaine dans ses démarches; mais quand elle est obsédée par sa société perfide et intrigante, en reconnaissant, avouant même les inconvénients de ce qu’on exige, elle n’en est pas moins entreprenante et active. » C’est ensuite et surtout son éternelle légèreté qui l'empêche de s'appliquer même aux choses qui lui tiennent le plus à cœur. Mercy constate respectueusement ce défaut dans ses lettres à l’impératrice : « Si la reine mettait un peu plus de suite à ses démarches et à l'emploi de son pouvoir, tout réussirait ici presque sans obstacle ; mais je