Louis XVI et la Révolution

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suis bien loin d’obtenir une conduite si désirable, et Votre Majesté ne doit nullement craindre que son auguste fille se mêle des affaires d’État de manière à pouvoir se compromettre. » Dans sa correspondance avec le prince de Kaunitz, Mercy est encore plus à l'aise pour critiquer, et ses remarques sont plus vives ; il écrit, par exemple, le 28 décembre 1782 : « On ne peut plus calculer les effets de l'instabilité des idées de la reine. Ses qualités charmantes s'unissent à une légèreté qui les offusque en grande partie. Depuis qu’elle s'occüpe de l'éducation de son auguste fille, et qu’elle la tient continuellement dans ses cabinets, il n’y a presque plus moyen de traiter aueun objet important ou sérieux qui ne soit à tout moment interrompu par les petits incidents des jeux de l'enfant royal, et cet inconvénient ajoute à un tel point aux dispositions naturelles de la reine à être dissipée et inattentive, qu’elle écoute à peine ce qu'on lui dit et le comprend encore moins. » Il faut bien pourtant se contenter de son intervention, et c’est toujours à elle que Vienne s’adresse, par l'intermédiaire de Merey. Dans l'affaire de la Turquie, on obtient l'intervention énergique de Marie-Antoinette : « Malheureusement, écrit Mercy à Kaunitz, le crédit de la reine, si étendu et si efficace en toutes autres matières, l’est beaucoup moins en celles qui ont trait à la politique, parce que la reine n’a donné que trop de sujet à son auguste époux de présumer qu'elle comprend peu les affaires d'État, et qu'elle n’est pas à même d’en évaluer l importance. » Enfin la patience de l'ambassadeur est épuisée; il laisse échapper ce cri où se condensent toutes les rancunes respectueuses du politique sans cesse déçu par la frivolité de la reine : « Elle est quelquefois désolante par sa légéreté. » Les insuccès de Merey n'innocentent pas Marie-Antoinette : en matière de trahison, l'intention vaut le fait. Quand les affaires de l'Autriche vont mal, quand la France refuse de sacrifier tous ses intérêts à son égoïste alliée, personne ne se trompe sur les larmes que verse la reine, sur sa subite mélancolie, sur son amour de la