Louis XVI et la Révolution

72 LOUIS XVI ET LA RÉVOLUTION.

aux portes. Un jour qu’elle revenait seule de chez Mesdames par un passage intérieur, elle passa devant le cabinet du comte de Provence; le prince causait avec le due d’Aiguillon. MarieAntoinette profita de l’occasion pour surprendre les sentiments de son beau-frère. Ce qui est plus grave peut-être, c'est qu’elle n’a pas pour la vérité un amour irrésistible ; sa mère se défie assez de ses affirmations. Le 30 juin 4776, MarieThérèse écrit à Mercy : « Quoique ma fille dise qu’elle ne souhaite pas de voir le duc de Choiseul rentrer dans le ministère, je me doute fort de la sincérité de ce propos. » D'après l'impératrice, Marie-Antoinette, sans mentir expressément, à une façon à elle d’arranger les choses qui indique «un caractère pas droit ». La mère finit par s'inquiéter du peu de franchise de sa fille : « Je vous avoue, écrit-elle à son confident Mercy, je ne suis pas tranquille; je la trouve trop souvent en défaut, et elle sait s’en tirer que trop finement et donner des tournures même aux dépens de la vérité. » Voici une de ces tournures : conseillée par M de Polignac, la reine à peur que son ennemi, le duc d’Aiguillon, exilé dans ses terres, n’obtienne sa grâce entière à la mort de sa fille; pour parer ce coup, Marie-Antoinette demande le rappel du due, à condition qu'il ne reparaisse pas à la cour; c’est ce qu’elle annonce à sa mère, avec l'explication suivante : « J'ai trouvé que si M. d’Aiguillon venait à perdre sa fille, il serait inhumain de l'obliger à rester dans un endroit où sa fille serait morte. » Marie-Antoinette tourne la vérité, donc elle la respecte à peu près. Après tout, dira-t-on peut-être, c’est de la politique : la reine se défend, ou se venge. Mais pourquoi ne pas dire à sa mère la simple vérité? Rien n’est plus piquant que de comparer la triple correspondance de Marie-Thérèse, de Mercy et de Marie-Antoinette. Celle-ci, qui ignore absolument les rapports confidentiels de l’ambassadeur à l’impératrice, ne sait qui peut renseigner aussi bien sa mère sur ses faits et gestes; elle soupçonne les gazetiers, les nouvellistes, et en appelle au