Louis XVI et la Révolution

MARIE-ANTOINETTE. 73

témoignage de Mercy, qui justement nous permet de la surprendre à chaque instant en flagrant délit d’hypocrisie : « Je suis au désespoir, écrit-elle le 13 octobre 1771 à sa mère, que vous ajoutiez foi à tous les mensonges qu'on vous mande d'ici, de préférence à ce que peut vous dire Mercy et moi. Vous croyez done que nous voulons vous tromper. » Marie-Thérèse n’a que trop de raisons pour être sûre que sa fille la veut tromper. Au moment où Marie-Antoinette a la passion du jeu et du pharaon, elle affirme tranquillement à sa mère qu’elle ne joue « qu’au jeu public et d’étiquette de la cour. » A l'instant où Marie-Thérèse vient d'apprendre du véridique Mercy que la reine joue plus que jamais, que « les parties de jeu sont devenues quelquefois tumultueuses et indécentes », enfin que la reine va jouer chez la princesse de Guéménée, l’impératrice reçoit une lettre de sa fille où elle a la douleur de lire ceci : « Pour le jeu, il y a déjà plus de deux mois que je ne joue que chez moi. » Et il en est ainsi pour tout le reste. Quand Marie-Thérèse s’étonne de voir sa fille dédaigner les gens d’âge et d'esprit mr, et ne s’entourer que de jeunes et frivoles courtisans, Marie-Antoinette répond avec assurance : « Il faut que vous ayez bien peu de confiance en moi pour croire que je sois assez peu raisonnable pour m'amuser avec cinq ou six jeunes gens. » L’impératrice se plaint des dilapidations en faveur des Polignac, d’une terre de deux millions que l’on va leur donner. La reine répond que le roi leur accorde toutes ces grâces sans qu’elle ait besoin de les solliciter ; qu’elle n’a jamais « entendu parler ni de la terre de deux millions ni d'aucune autre ». Il en est de même pour les affaires d'État. Deux fois elle affirme à sa mère qu'elle ne s’est mêlée en rien du renvoi de Malesherbes et de Turgot, et c’est encore une contre-vérité, dans l’ensemble et dans les détails, d’après le rapport officiel de Mercy, à la date du 16 mai 1776. L'ambassadeur, assez embarrassé à la lecture des lettres de Marie-Antoinette que lui renvoie l’impératrice, essaye de pallier les contradictions flagrantes entre ses