Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques

6.2

Naigeon a dessiné plusieurs années à l'Académie, modelé chez Lemoyne, et peint chez Vanloo (1) et passé, comme Socrate, de l'atelier des beaux-arts dans l'atelier de la philosophie. » Comme Socrate, dit Diderot, mais à quelque chose près, il faut bien ajouter après lui, ce quelque chose qui est la sagesse, et qui ne fut pas précisément dans Naiïgeon ce qu'il fut dans le maître de Platon. L

De très-bonne heure, à peine âgé de 48 ans, il se lia avec Diderot et. fut admis dans sa familiarité. On se donnait aisément à un tel homme, et Naigeon lui appartint bientôt et en devint sans réserve le disciple assidu. « Il est, écrivait La Harpe, le singe de Diderot, dont il répète sans cesse les conversations, comme il copie son ton et ses manières. Il joint d’ailleurs, ajoute-t-il, pour achever le portrait qu'il en trace, à la gravité d'un savant, la coiffure d'un petit-maitre, et les précautions d’une mauvaise santé avec l'apparence de la force. C’est ce qui a donné lieu au couplet suivant qui est assez plaisant :

« Je suis savant; je m'en pique, « Et tout le monde le sait.

« Je vis de métaphysique

«+ De légumes et de lait.

« J'ai recu de la nature

« Une figure à bonbon.

« Ajoutez-y ma frisure,

« Et je suis M. Naigeon. »

Mais qui était ainsi à Diderot devait être également à

{1} Il m'a été montré un portrait de Naigeon par Vanloo, fait par le maître pour l'élève, qui attesterait leurs bonnes relations.