Napoléon Bonaparte, drame en six actes et en vingt-trois tableaux

NAPOLÉON. 3

GaspaRIN. Eh bien! bornons-nous à la prise du fort Lamalgue.

BONAPARTE, Oui, et pour y arriver tu feras passer tes trente mille hommes entre le feu de quatre forts et celui du camp retranché qui est en avant de Toulon, et quand tu y auras laissé la moitié de tes hommes, avec le reste tu iras attaquer le fort Lamalgue, étoilé par Vauban, avec ses angles opposés aux angles, sa batterie de soixante pièces d'artillerie et ses trois mille hommes de garnison. (S’asseyant sur une pièce.) Insensés !

CARTAUX, à Bonaparte. Citoyen commandant, as-tu dirigé une batterie de quatre obusiers sur la poudrière ?

BONAPARTE. Oui.

CARTAUX. Eh bien?

BONAPARTE. J’y ai jeté vingt obus dont dix-sept ont porté. ,

CARTAUX. Sans résultat ?

BONAPARTE. Sans résultat.

CARTAUX. Il faut continuer.

BONAPARTE. Inutile!

CARTAUX. Pourquoi?

BONAPARTE. La poudre a été transpoitée dans la ville.

FRÉRON. Il faut tirer sur la ville alors, et profiter de l'explosion du magasin où on l’a transportée pour faire une attaque.

BONAPARTE. Oui, ce serait bien ; —miais qui m'indiquera celle des huit cents maisons de Toulon qu’il faut incendier ?

FRÉRON. Brüle tout.

BONAPARTE. Est-ce à moi, qui suis Corse, de te rappeler que Toulon est français?

SALICETTI. Qu'importe ! Turenne a bien brûlé le Palatinat.

BONAPARTE. C'était nécessaire à ses desseins ; ici c’est un crime inutile.

FRÉRON. Serais-tu aristocrate par hasard ? ( Bonaparte hausse les épaules. ) Citoyen général, il faut en finir. — Attaque la ville comme tu l’entendras ; mais que dans huit jours la ville soit prise. .…… ou dans neuf jours je t’envoie à Paris comme suspect. et dans quinze, — tu comprends.

CARTAUX. Oui, oui : eh bien! alors, je m'en tiens au plan du comité... L'attaque générale aura lieu demain.

BONAPARTE. Tu te perds, et l’armée aussi.

CARTAUX. Mais que faire alors?

BONAPARTE , se levant et montrant sur la carte le fort du Petit-Gibraliar. C’est là qu'est Toulon.

CARTAUX. Là?... mais pas du tout... Il nous montre l'issue de la rade... Toulon n’est pas de ce côté... (_ 4 part. ) Prendre le Petit-Gibraltar pour Toulon !

BONAPARTE, avec force. C’est là qu'est Toulon, vous dis-je. Prenons ce fort aujourd’hui, et demain ou après-demain nous entrons dans la ville.

SALICETTI. C’est le mieux défendu.

BONAPARTE. Preuve qu’il est le plus important. GASPARIN. Le commandant Jui-même l’a jugé tellement imprenable, qu'il a dit que, si nous l’emportions , il se ferait jacobin.

BONAPARTE. Qu'on me charge de l’attaque, et: dans douze heures je lui enfonce moi-même, ou mon épée dans la poitrine, ou le bonnet rouge sur la tête.

SALICETTI. Mais nous perdrons dix mille hommes.

BONAPARTE. Dix mille, vingt mille, qu'importe ! pourvu qu’il m'en reste trois mille pour y mettre une garnison.

FRÉRON. Ah ! voilà le philantrope qui ne veut pas brüler huit cents maisons et veut faire tuer dix mille hommes.

BONAPARTE, s’éloignant. Niais !

CARTAUX. Ainsi donc , citoyen commandant, tiens-toi prêt à foudroyer la ville.

BONAPARTE. D'ici ?

CARTAUX. Oui... Pendant ce tems.

BONAPARTE. Il y a deux portées de canon.

CARTAUX. Non... Tu peux tirer.

BONAPARTE. Ganonniers, commencez le feu.

( Les canonniers commandent sur toute la ligne : En action! — Chargez! Bonaparte pointe la pièce lui-même, prend une mêche, met le feu, et revient sans regarder où a porté le boulet.) GASPARIN, qui a regardé atleñtivement.

Il a raison, le boulet est tombé à deux

cents toises au moins des ouvrages exté-

. rieurs.

FRÉRON. N'importe, ce jeune homme me déplaït: il sent l’aristocrate ; mais nous le ferons bien obeir.

GASPARIN. Citoyens, le commandant parait savoir ce qu'il faut faire mieux que personne , il faudrait le charger.

FRÉRON, sans l'écouter, à Cartaux. Général , viens donner tes ordres , et que dans une heure on commence l'attaque. (Bonaparte le suit des yeux avec compassion;

Cartaux sort avec Salicetti, Gasparin, Fréron, etc.)

COODOO CO 0090POLOODODCOECOOLOLCOE C0 CCE OP:

SCÈNE IV.

BONAPARTE , LORRAIN , L’ESPION, uN SERGENT.

BONAPARTE , seul. Quand seront-ils donc las de nous envoyer des médécins et des