Oeuvres politiques de Fabre d'Églantine

116 OEUVRES POLITIQUES DE FABRE D'ÉGLANTINE

ici leur adresse à se saisir de l'imagination des hommes, et à la gouverner à leur gré. Ce n’est point sur un théâtre riant de fraîcheur et de gaieté, qui nous eût fait chérir la vie et ses délices, qu'ils jouaient cette farce ; c’est le second de novembre qu'ils nous amenaient sur les tombeaux de nos pères ; c’est lorsque le départ des beaux jours, un ciel triste et grisätre, la décoloration de la terre et de la chute des feuilles remplissaient notre âme de mélancolie et de tristesse ; c'est à cette époque que, profitant des adieux de la nature, ils s'emparaient de nous pour nous promener, à travers l'Avent et leurs prétendues fêtes multipliées, sur tout ce que leur impudence avait imaginé de mystique pour les prédestinés, c'est-à-dire les imbéciles, et de terrible pour le pécheur, c’est-à-dire le clairvoyant.

Les prêtres, ces hommes, en apparence, ennemis si cruels des passions humaines et des sentiments les plus doux, voulaient-ils les tourner à leur profit; voulaient-ils que l’indocilité domestique des jeunes amants, la coquetterie de l’un et l’autre sexe, l'amour de la parure, la vanité, l’ostentation et tant d’autres affections du bel âge, ramenassent la jeunesse à l’esclavage religieux : ce n’est point dans l'hiver qu’ils l’attiraient à se produire en spectacle; c’est dans les jours les plus beaux, les plus longs et les plus effervescents de l’année, qu’ils avaient placé, avec profusion, des cérémonies triomphales et publiques, sous le nom de Féte-Dieu ; cérémonie où leur habileté avait introduit tout ce que la mondanité, le luxe et la parure ont de plus séduisant: bien sûrs qu'ils étaient de la dévotion des filles, qui, dans ce jour, seraient moins