Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
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port; et là, des gardes repoussaient des troupes d'hommes, de femmes éplorées. Les Anglais faisaient à la hâte, et comme au hasard, le choix de ceux qu’ils pouvaient emmener sur leurs vaisseaux. Les massacres de Lyon s’offraient à la pensée des Toulonnais abandonnés : ceux mêmes qui avaient obtenu l'assurance de leur salut gémissaient de fuir avec leurs familles incomplètes. Il semblait que, dans une telle scène, la pitié pût suffire à occuper les pensées des Anglais; mais ils voulurent laisser des traces de leur entrée dans cette belle rade. Vingt-sept vaisseaux y étaient encore; ils ne purent en emmener que trois; ils en brülèrent neuf. La précipitation de leur fuite fut telle , qu'ils se virent obligés d’en couler quinze. Ils mirent le feu à la corderie.
Le 21 décembre, les troupes républicaines entrèrent dans Toulon... Faut-il déjà revenir aux horribles tableaux des supplices de Lyon! Fréron et Barras, commissaires de la convention, avaient montré de l'intelligence et de la bravoure pendant le siége de Toulon. Ils furent cruels, atroces dans la vengeance : Nous fümes, ont-ils dit depuis, bien moins cruels, bien moins atroces que le comité de salut public ne nous ordonnait de l'étre. Les canons chargés à mitraille, les fusillades, déchirèrent , exterminèrent plus de quatre cents Toulonnais. On raconte qu'après les décharges, une voix criait : Que ceux qui ne sont pas tués se lèvent. Un vieillard, atteint d’une blessure qui n'était pas mortelle, était resté immobile sur le champ du carnage : la nuit était venue, les bourreaux s’étaient retirés; on entendait dans le lointain leurs cris de joie, leurs chants d'ivresse. Le vieillard se soulève. Des hommes qui viennent enlever les dépouilles des morts passent auprès de lui, il leur échappe; il marche à travers les cadavres. Il entend des gémissemens; il s'approche : c’est une victime, échappée comme lui à la mort. Que devient-il, quand il entend sa voix... C’est son fils, Revenus de leur saisissement, ils s'appuient l’un sur l’autre. Ils parviennent à gagner une maison de campagne, où on leur donne l'hospitalité. Ils ont le bonheur de ne plus retomber dans les mains de leurs bourreaux. {Ce fait est attesté par le député Isnard, l’un des proscrits du 3r mai.)
On eut recours à l’explosion des mines pour démolir Toulon.
On ne peut décrire tout ce que la prise de cette ville excita d'enthousiasme dans nos armées, Elles étaient déjà dans une situation bien différente de celle où nous les avons vues au mois de septembre 1793. Deux victoires signalées qu’elles avaient remportées, l’une sous les murs de Dunkerque, l’autre près de Maubeuge , compensaient quelques nouveaux revers, et même une déroute totale,. dont les suites avaient.