Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
NATIONALE. 167
Qui n’a pas retenu ces vers que Roucher adressa à ses enfans en leur envoyant son portrait ? Ne vous étonnez pas, objets charmans et doux ; Si quelqu’air de tristesse obscureit mon visage: L'’orsqu’un crayon savant dessinait cette image, J’attendais l’échafaud, et je songeais à vous.
La France perdit dans André Chénier l’homme qui peutêtre était le plus appelé à être un jour l'historien de la révolution. Les attaques qu’il livra à une faction sanguinaire , avant le 20 juin et le ro août, l'avaient désigné à la proscription, aussi-bien que l'énergie de son caractère et la supériorité de ses talens.
Enfin, je'puis détourner mes regards de tant de supplices, pour ne plus rechercher que les causes du 9 thermidor. Il approche.
J'ai déjà nommé deux ennemis de Robespierre parmi les collégues de sa tyrannie, Billaud-Varennes et Collot-d'Herbois, Le premier était le plus redoutable. La haîne que ce monstre portait an genre humain ne l’empêchait pas derassembler toutes les combinaisons nécessaires pour perdre un rival qui le secondaïit dans tous ses projets d’extermination. Tous deux voulaient régner sur les ruines et les tombeaux dont ils couvraient la France; mais Robespierre en était au point de ne pouvoir plus cacher son ambition ; Billaud pouvait encore dissimuler la sienne. Robespierre, agité des furies, perdait chaque jour les moyens de salut ou de domination qu’il avait trouvés dans son génie tortueux, dans son caractère hypocrite, opiniâtre. C’étaitun scélérat connu, divulgué, dont toutes les feintes étaient explorées ; il eût perdu à vouloir tromper ses ennemis le temps qu’il devait employer à les abattre. Ce tyran était Ingubre comme la mort dont il marchait toujours environné. Tel, et peut-être plus sombre encore, était aussi Billaud. Mais celui-ci, plus robuste dans le crime, enveloppait ses projets de plus de ténèbres, préparail mieux ses coups. Il me tarde d’arriver au moment où ces deux monstres vont s’élancer.
Robespierre eutune combinaison politique qui put d’abord paraître d’une audace imposante. Nous allons voir comment son esprit étroit, son caractère lâche et féroce n’attachèrent à cette combinaison que le mépris et l'horreur. Presque seul, il s'était élévé contre les profanations d’Hébert. Il l'avait fait sans chaleur, à la vérité ; mais c'était le plus grand prodige de sa popularité qu’une réclamation de ce genre eût été impunie. Depuis, il avait encore souffert que cette infime démence qu’on appelait culte de la raison survécût à ses auteurs. Enfin , il songea à profiter du silence des partis qu'il