Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
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jugeaient désespérée. Les habitans du faubourg montrèrent de l'horreur pour une action cruelle ; ce moment attesta que l’habitude même des séditions n'avait point mis d’atrocité dans leur cœur, et que les tyrans avaient fait d’inutiles efforts pour rendre le peuple semblable à eux. La colonne put revenir sur ses pas. Son retour fut marqué par des humiliations ; mais déjà tout était disposé pour forcer les rebelles à se soumettre.
À trois heures, trente mille hommes cernaient le faubourg. La menace d’un bombardement effraya les rebelles : ils reçurent les troupés de la convention ; ils livrèrent leurs armes et quelques chefs de la sédition. Les jacobins perdireñt, par la soumission du faubourg Saint-Antoine, leur dernière citadelle,
Depuis la révolution, Paris n'avait point vu de mouvement plus long que celui qui occupa les quatre premiers jours de prairial. Jamais deux partis ne s'étaient encore mesurés avec des forces aussi balancées ; jamais un plus vaste champ ne fut ouvert aux massacres. Mais on peut remarquer combien les fureurs révolutionnaires allaient en décroissant : à l’excéption d’un fait atroce {l'assassinat du député Ferraud), les événemens de prairial n’ont ni le caractère impétueux du 14 juillet, ni le sombre délire du 6 octobre, ni la fureur implacable du 10 août. Les chefs de la sédition étaient moins habiles et moins atroces que leurs prédécesseurs ; il est même à présumer qu'après la mort d’un de leurs collégues , ce furent eux .qui arrêtèrent le massacre. Six d’entre eux furent livrés à une commission militaire, qui les condamna à mort. Ils se nommaient Romme, Bourbotte, Duquesnoy, Gougeon , Duroi , Soubrant. Ils moururent avec intrépidité, ils se percèrent tous d’un poignard sous les yeux de leurs juges. On eut la cruauté de conduire au lieu du supplice, avec ceux qui avaient survécu à leurs propres coups, les cadavres de leurs compagnons.
La convention, après sa victoire , n’osa d’abord effaroncher ceux qui avaient marché à sa voix et pour sa défense. Elle n'avait plus qu’un faible courroux contre le parti qu’elle venait d’abattre; mais elle se vit obligée de céder beaucoup au ressentiment des auxiliaires qu’elle avait appelés. Elle conserva tout son despotisme. On fit beaucoup de combinaisons sur sa faiblesse. Comme nulle mesure n’était au-dessus de son autorité , il n’en était aucune à laquelle on ne pût l’entraîner : elle renvoya, elle tint dans des prisons d’état plusieurs députés regardés comme complices de la tyrannie. Il n’y avait point de jugement à craindre pour les coupables , à espérer pour ceux qui pouvaient se justifier, Elle rappela la