Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

LES ORIGINES DE LA NATION SERBE D

la nation serbe se trouva livrée définitivement aux influences

orthodoxes.

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Au fond, l’histoire de la nation morcelée entre diverses principautés, soumise tantôt à la suprématie de Byzance, tantôt à celle de la Hongrie, tantôt à celle de Venise, n'offre guère d'intérêt jusqu'au moment où apparait une dynastie nationale, celle des Némanides.

Dans la seconde moitié du xu° siècle, un véritable homme d'État surgit chez les Serbes dans la personne du grandJoupan Nemania (1159-1196). Il était né aux environs de Podogoriça, dans le Montenegro actuel. Il avait d’abord était baptisé par des prêtres catholiques de l’archevéché d’Antivari. Mais quand il alla s'établir dans la Rascie, il passa à l'Église orthodoxe. Vers 1170, il réussit à se faire proclamer grand-joupan, essaya de profiter des luttes entre Venise et Byzance pour se déclarer indépendant, mais dut se résigner à aller rendre hommage à l’empereur Manuel. Après la mort de ce souverain (1180), il échappa de nouveau à la suzeraineté des Grecs, s’allia aux Hongrois et poussa ses armes victorieuses jusqu’au littoral de l’Adriatique. Plus tard, il s’allia aux Bulgares, envoya à l’empereur Frédéric [* une mission serbe qui alla jusqu’à Nuremberg et salua en personne l’empereur lorsqu'il passa à Nich, traversant la Péninsule balkanique pour gagner la Terre sainte. IL l'accompagna en guerroyant contre les Grecs jusqu’en Bulgarie au lieu dit la Porte de Trajan'. L'empereur Isaac ne lui pardonna pas cette hostilité, et, après que Frédéric Barberousse fut passé en Asie Mineure, les Grecs envahirent à leur tour les pays serbes; Nemania, vaincu aux environs de Nich, dut faire la paix; son fils Étienne épousa une nièce de l’empereur byzantin. Une fois assuré du côté de

1. Au sud d’Ichtiman en Bulgarie (Rouinélie orientale). Voir sur cette Porte mon livre La Slave, le Danube et le Balkan, p.214 (Paris, Plon, 1884).