Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt

SOUVENIRS DE RUSSIE 1

dessus leurs habits à la matelote. On partit au bout d'une heure comme on était venu. Alors chacun témoigna sa satisfaction de l'honorable visite qu'on avait reçue, et moi j'étais aussi contente que si elle avait été pour moi, car mon cœur me disait que je n'en serais point indigne, »

L'Impératrice passait tous les étés dans sa charmante retraite de Czarskoë-Selo, où — à ce que dit Mie I. — personne ne l'approchait que les élus ‘6 août 1783). « Il paraît qu'elle n'est pas fort alerte. Autrefois, elle venait en ville pour certaines fêtes : aujourd’hui, elle s'en dispense. Toutes ses heures sont réglées. Elle se lève de bon matin, se promène dans ses beaux jardins, lit, écrit, travaille dans son cabinet, fait sa partie le soir, se couche sans souper et pas plus tard que dix heures pour se relever à six. Cette vie si simple enchante tous ceux qui sont à même de l'apprécier, car elle lui donne le temps de s'occuper de tout. On voit élever des bâtiments de tous les côtés; on creuse de nouveaux canaux. Jamais on n'a vu tant de persévérance, et c'est une femme qui fait mouvoir tout cela ! »

Mie L. parle des appartements de l'Impératrice à Czarskoë-Selo comme étant de toute beauté. « La chambre à coucher, qui a quatorze pieds de hauteur, a douze colonnes qui sont en verre d’une couleur verte. Dans son cabinet, il y en a de couleur rouge, si brillantes quand le soleil y donne, qu'on a peine à en supporter la vue. Les parois d'une autre chambre sont entièrement plaquées en lapislazuli et le parquet est en bois de mahogoni incrusté en nacre de perles. Dans les appartements anciens, l'or massif est prodigué de toutes parts. Tout est d'un luxe plus qu'asiatique. »

Il paraît que si, à Czarskoë-Selo, l'Impératrice ne permettait qu'à quelques élus de lapprocher, elle: ne pouvait cependant souffrir qu'on s'éloignât lorsqu'elle se promenait dans le jardin. Elle en témoignait même du déplaisir et demandait toujours le nom des personnes qui sortaient ainsi de son chemin. « Il est vrai, dit MU L.. que, si elle cherchait à affranchir son monde autant que possible, soit à Czarskoë-Selo, soit à Saint-Pétershourg, la majesté impériale