Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle
MORANDE ET LA RÉVOLUTION. 273
ment critique où la nation s’exalte jusqu à la fureur.
Que dit Morande dans ce conflit terrible? Il hésite, méle les louanges aux critiques, essaie de séparer Église de l'État ou plutôt du roi, pour sauver celui qui peut encore reconnaître en espèces sonnantes le dévoûment des journalistes. Avec une habileté rare, le libelliste retors indique à son maître sinon la voie de Phonneur, du moins celle du salut. Rompez, lui dit-il, avec les influences cléricales; ne permettez pas à une secte religieuse d'en opprimer d’autres; proclamez l'égalité entre les ministres de tous les cultes. Les corporations religieuses doivent être bannies. « Quand on sera parvenu, lisonsnous dans le n° 44 de l’Argus, à dissoudre ces terribles corporations, l’on aura assuré le retour de la tranquillité et le repos de la nation française. » Mais, cette concession faite aux idées révolutionnaires, Morande défend avec énergie les principes essentiels du gouvernement. Il s’indigne de la situation intenable que l’Assemblée fait aux ministres, en écoutant les perpétuelles dénonciations qui sont dirigées contre leurs actes : « On a vu, écrit-il, des séances pendant lesquelles tous les ministres ont été dénoncés, sans qu'aucune des dénonciations fût fondée... On se rappelle la morgue des minis-