Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

LE PROCÈS 365

cution imminente de douze conspirateurs : pour la première fois l'échaufaud allait recevoir une aussi nombreuse fournée, et il semble bien que l'accusateur public n'était pas sans inquiétudes sur la façon dont la population de Paris accueillerait cette hécatombe. La Terreur ne l'avait pas encore, à cette époque, asservie et hébétée : c'était toujours ce peuple poli et d'instincts délicats dont l’aménité et l'indépendance élaient proverbiales : plus tard on parvint à l’enrégimenter et à l’abêtir ; mais, en juin 1793, il avait peu perdu de ses qualités. Chose étrange et qu'on n'a pas assez remarquée, il frondait ouvertement le nouveau régime, comme il avait frondé l’ancien: le jeudi 6 juin, il avait exigé, en dépit du Gouvernement, que les processions sortissent dans Îles rues : « Elles étaient aussi nombreuses, dit un journal!, que les patrouilles dans une place assiégée. »

4. Courrier français, 10 juin 1793.

Il se passa dans la rue Saint-Denis un fait qui prouve bien quel était encore l'esprit de la population parisienne. Le même journal raconte ainsi l'anecdote: « Une charrette, chargée d’une pierre énorme, traversait la rue, tandis que passait une procession du Saint-Sacrement. Tout à coup l'essieu de la voiture se rompt et la pierre se renverse sur un enfant de dix ans. Soudain la rue retentit de cris douloureux: on accourt pour dégager ce petit infortuné de dessous le poids énorme sous lequel il est enseveli. On parvient enfin à le retirer. On le croyait écrasé ; mais, ô surprise! voilà que cet enfant saute de joie et dit: Heureuse-

ment je n'ai pas de mal! Alors le peuple crie : Au miracle ! On demande au prêtre qui portait le Saint-Sacrement de faire là