Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

CHÉVETEL GLORIFIÉ 397

tait depuis quelques mois et causait, un malin, tranquillement dans son cabinet avec sa fille, quand on vint l’avertir qu'un homme âgé et de bonne mine demandait à le voir, sans consentir à donner son nom. M. de Noyan ordonna qu'on le fit entrer. Le visiteur annonça « qu’il se nommait Lalligand-Morillon, qu'il venait réclamer le paiement d’une obligation de quinze mille francs souscrite au profit de son fils et qu'il avait recueillie dans la succession de celui-ci... »

M. de Noyan ne s'attendait pas à une pareille sommation ; il eut peine à l'entendre sans colère et ne se montra nullement disposé à y faire droit. IL rappela même, en termes assez vifs, les circonstances qui avaient motivé la signature de cette obligation; le vieux Lalligand, de même que son fils, était homme de belles manières et savait conserver une apparence de dignité dans les situations les plus équivoques. Il écouta M. de Noyan avec déférence et lui répondit froidement qu'il n'avait point à justifier la conduite de son fils, que les fautes de ce malheureux jeune homme avaient été expiées par sa mort, et qu'après tout ce n'élait pas aux gens dont il avait sauvé la vie et la fortune à se montrer sévères pour sa mémoire. Vieux, infirme, ruiné, privé de son unique enfant, lui, Lalligand, s'était attendu à trouver plus de sympathie dans une famille dont son fils lui avait