Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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laissa. Depuis le ministre jusqu’au dernier agent de l’autorité, ce n’était qu'une chaîne d’oppression. Tous consentaient à ramper deyant leurs maîtres pour avoir droit de mépriser leurs inférieurs; et cet esprit servile nous avait été fidèlement transmis de règne en règne. Ses armées formidables pendant quelques temps aux étrangers ne le furent plus qu’à ses sujets. Dix mille esclaves dorés et titrés faisaient sa garde : et cet appareil de puissance, si propre à éblouir le vulgaire, n’annonçait que l'énorme distance où il se mettait de son peuple. Ges vertus des despotes, la hauteur et la vanité, qui faisaient de Louis XIV une superbe idole, ne sont plus regardées que comme des vices et des injustices, sous le règne de la liberté et de l'égalité. Le court intervalle de la régence ne fut marqué que par un délire, dans lequel des Français seuls pouvaient tomber : le caractère du gouvernement ne changea point. Louis XV trouva la machine despotique toute montée, et il la laissa aller. Sous lui la cour fut tout, et le royaume ne fut rien. La vénalité des charges et de la noblesse fut accrue jusqu’au ridicule. Les querelles religieuses, les plus absurdes de toutes, parce que personne n’y entend rien, déshonorèrent trente ans de ce règne faible et nul. L’honneur des armes françaises se soutint quelque temps avec gloire ; mais ensuite les guerres furent entreprises sans raison, continuées sans conduite, et terminées sans honneurs La ation française devint le jouet et le mépris de toutes les autres. Tandis que les impôts et les emprunts, qui sont aussi des impôts, desséchaient les sources de l’agriculture, le commerce était soumis à mille entraves; la cour l'environnait de mépris. L'industrie repoussée allait chercher dans d’autres climats des encouragemens et des récompenses. Le gouvernement ne songeait qu’à se maintenir, les minisires qu’à intriguer, la cour qu'à piller pour dépenser, les grands qu’à obtenir des places et des dons: la gloire et la force de l’état n’entraient pour rien dans toutes ces combinaisons faciles et méprisables de l'intérêt particulier. Ainsi s’avançait vers la décadence lun des plus grands royaumes de l'Europe. Le caractère national était effacé; et le Francais n’était si propre à prendre les formes des autres nations que parce qu’il n’en avait point lui-même de déterminées. La langueur du gouvernement se communiquait à tous les états de la société, ‘comme la cour leur communiquait toutes ses modes. La servitude morale, cette espèce de nullité des ames dénuées d’indépendance et de liberté, enchaînait toutes les pensées à une pensée, toutes les volontés à une volonté. L'opinion avait aussi son despotisme, et son