Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE, 7

trône était à la cour; car l'opinion publique n’était pas en- core née, son tribunal sévère m'était pas dressé. On appelait bon ton, cette loi, capricieuse souvent, et toujours despotique, que des femmes et des hommes efféminés faisaient exécuter impérieusement par l'arme puérile du ridicule. Limitation était devenue le caractère distinctif des Francais; c’est-à-dire qu'ils n'avaient point de caractère. C’est peut-être à cette mollesse d’ame, qui exclut toutes les idées grandes et fortes, qu’il fautattribuer la décadence des beauxarts chez une nation qui avait eu de si beaux commencemens. On accordait aux Francais le talent de perfectionner et d’embellir les inventions des autres peuples; mais on leur refusait ce génie créateur qui ne se laisse point asservir par la tyrannie de l'habitude.

C’est écrire l’histoire de la révolution que de tracer cette marche insensible des esprits vers le néant politique. Plusieurs régions de l'Europe sont une preuve que des hommes peuvent croître et végéter en corps de nation, sans que pour cela cette nation ait une existence. La France, faite, par sa grandeur, par sa population et par le génie de ses habitans pour tenir un rang distingué dans l'Europe, n’y avait plus de prépondérance. Aucune de ces ames fières qui, de nos jours, ont préparé la révolution et qui ont vu la fin de ce règne de Louis XV, n’a oublié quelle était alors la nullité du roi, du gouvernement et de la nation.

Cependant c’est dans ce règne même que se forgèrent les armes qui brisèrent les fers de la tyrannie. Il est dans la marche de esprit humain que le siècle de la philosophie succède nécessairement à celui des beaux-arts. On commence par imiter la nature, on finit par l’étudier: on observe d'abord les objets, on en recherche ensuite les causes et les principes, Sous le règne de Louis XV, les gens de lettres prirent un nouveau caractère; et lorsque la poésie, l’architecture, la peinture et la sculpture eurent produit un grand nombre de chefs-d’œuvre, lorsque le nouveau, qui donne un si grand prix aux beaux-arts, fut épuisé, et que les grandes conceptions furent devenues plus difficiles , les esprits se tournèrent naturellement vers la recherche des principes mêmes. Le siècle de la raison qui examine succéda à celui de imagination qui peint. Cette première influence de la raison avait amorti le feu des querelles religieuses, qui, depuis deux siècles, avaient retardé les progrès de la France. On commencait à ne plus s'occuper autant de ces idées abstraites qui ne servent qu’à enrichir ou à illus- k trer la classe des hommes qui en vivent. Les sciences, les arts et les jouissances qu'ils procurent avaient changé la di.

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