Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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rection des esprits; et quelque ridicule importance qu’eussent donné Louis XIV lui-même et son hypocrite cour à des disputes saintement frivoles , ils ne purent parvenir à en composer le caractère du siècle.

IL est important de remarquer qu’à cette époque il s’établit une communication de la France avec les parties septentrionales de l’Europe, où régnait plus de liberté et d’indépendance d'opinions. C'était le midi qui, jusqu'alors, nous avait gouvernés par son faux savoir, ou qui avait influé sur nous par sa politique. Rome nous avait donné sa foi, l'Italie son machiavélisme, son luxe et ses arts, et l’'Espagne des guerres civiles. Toutes nos opinions et nos disputes prenaient naissance au-delà des monts. Depuis les croisades et les guerres d'Italie jusqu’à la bulle, Rome nous avait toujours dirigés ; le reste de l'Europe n’existait pas pour nous. Mais lorsque la véritable et ‘saine philosophie eut éclairé le nord, et qu’en France on eut commencé à penser et à réfléchir, il se forma un commerce entre les esprits supérieurs. L’Angleterre , la Hollande , la Suisse et l'Allemagne étaient couverte d’universités, où, malgré quelques restes de pédantisme, la raisan tenait école de philosophie. Ces régions du bon sens regardaient en pitié des contrées plus favorisées de la nature, mais où des préjugés grossiers rendaient ses présens inutiles. La partie excommuniée de l'Europe en était la plus éclairée.

Nous voyons qu’on regardait alors comme un progrès admirable de l'esprit humain la correspondance de Locke, de Clarke, de Newion , avec Leibnitz et quelques savans de France et d'Italie. On s’étonnait que des philosophes, qui différaient dans leurs opinions religieuses, communiquassent entre eux avec autant de tolérance. Ce commerce s’étendit bientôt. Nous avions une si haute idée de nous-mêmes et de notre langue, que nous regardions les idiomes des étrangers comme des jargons de barbares; on négligeait de les apprendre. Locke fut traduit ; Locke, l’instituteur de la pensée, et qui, le premier , a prouvé par ses ouvrages que la philosophie n’est autre chose que la raison: c’est ce Locke, sans lequel, peut-être, nous n’aurions jamais eu Condillac. Bientôt on rechercha les autres ouvrages excellens qw'avait produits l'Angleterre, cette région de l'indépendance; et Voltaire a eu raison de se glorifier de nous avoir fait connaître le premier les productions philosophiques de la GrandeBretagne. ; :

Les Français en étaient déjà dignes , car Montesquieu avait paru. La critique fine, et audacieuse alors, de ses Lettres Persanes ayait donné de la hardiesse aux esprits ; son Esprit des