Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

ro ASSEMBLÈE

vivans ; et les parlemens les honoraient de la flétrissure. Mais lorsque leur multitude fut accrue, et que, forts à leur tour de leur réunion, ils ne craignirent plus des sentences que le public condamnait, la vérité pénétra par-tout; les livres passèrent par toutes les frontières du royaume ; ils entrèrent dans toutes les maisons; et enfin l’inquisition, lassée, s’arrêta. Les ennemis les plus violens et les plus habiles de la liberté d'écrire , les jésuites, avaient disparu , et personne depuis n’osa déployer le même despotisme et la même persévérance.

Quand une fois les esprits des Francais furent tournés vers les lectures instructives, ils portèrent leur attention sur les mystères des gouvernemens. L'Encyclopédie eut cet avantage particulier que, traitant toutes les sciences , elle fournit aux savans, qui en firent le dépôt de leurs pensées, l’occasion de parler de la politique, de l’économie, des finances. Une école, ou dirai-je une secte, qui invoquait toujours les oracles de son maître, occupa quelque temps les esprits. On a reproché aux économistes un langage mystique, peu convenable aux oracles simples et clairs de la vérité. On a cru qu'ils ne s’entendaient pas eux-mêmes, puisqu'ils ne savaient pas se faire entendre. Maïs nous devons à leur vertueuse opiniâtreté d’ayoir amené les Français à réfléchir sur la science du gouvernement. C’est à leur constance à nous occuper long-temps des mêmes objets que nous devons la publication de ces idées , : si simples qu’elles sont devenues vulgaires ; que la liberté de-: l'industrie en fait seule la prospérité; que les talens ne doivent être soumis à aucune entrave ; que la liberté de lexportation dés grains est la source de leur abondance; qu’on ne doit pas jeter l'impôt sur les avances de l’agriculteur, mais sur ce qui lui reste après qu’il en a été remboursé. Sans doute on avait dit toutes ces choses avant eux; mais ils les ont redites et répétées, et ce n’est qu’ainsi que se forment les opinions. Mais le gouvernement, qui feignait de les ignorer, se conduisait par des maximes contraires; etil était vertueux d’éclairer, d'animer ses concitoyens.

Ainsi les oreilles s’accoutumaient au mot doux et flatteur de liberté, sans que le despotisme pût encore s’en effaroucher. Un philosophe digne des Grecs et des Romains, à l’école desquels il s’était instruit, fit parler à la liberté un plus mâle langage. J. J. Rousseau présenta à la vénération des ames fières, à l'amour des ames sensibles, cette liberté dont l’idole était dans son cœur. Il en peignit les charmes, et l’enthousiasme enchanteur, et les saintes austérités , et les éternels sacrifices, Jamais il ne la sépara de la vertu, sans laquelle la liberté n’a qu’une existence passagère. Enfin il en traça le code dans sou Contrat social; et ce livre immortel fixa toutes les idées. Là