Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 25

Il avait perdu ses états, ce fantôme de liberté dans un empire despotique, et il les redemandait. Les trois ordres réunis,après avoir rallié leurs forces, obtinrent du gouvernement la permission d’une assemblée légale. Alors la sagesse, cette raison des forts, présida à toutes leurs délibérations, et ils tracèrent,

our leurs états particuliers, un plan qui fut jugé pouvoir servir de modèle à toutes les autres provinces et d’élément aux assemblées nationales. Le Dauphiné excitait l'admiration et l’émulation de tout le royaume. Malgré les défenses des agens de la cour, les trois ordres se réunirent en divers lieux, et y formèrent des assemblées. Ce fut sur-tout dans les pays d'état que se donna la première impulsion. Là restaient un souvenir et des traces de droits antiques, de chartes, de priviléges , de réunion des ordres en une seule autorité. Versailles vit avec surprise arriver des députés de Bretagne, de Languedoc, du Vivarais, du Vélay, sür-tout on y entendit pour la première fois ce langage mâle de la liberté qui fait baisser la voix à la tyrannie. La manière dont ces députés furent recus etle compte qu’ils en rendaient à leurs provinces accrurent leressentiment et l'énergie des peuples.

Au même temps, et par une suite du progrès des lumières de ce tiers-état qu’on s’efforçait d’avilir et qu’on feignait de mépriser, un grand nombre d'écrivains lui rappelaient ses droits. Les uns, remontant jusqu’à l’origine de la monarchie, traçaient en caractères de feu les progrès insensibles du despotisme, le pouvoir absolu de vingt tyrans, et la dégradation successive de la nation. D’autres trouvaient dars l’histoire des états-généraux des preuves suivies de l'autorité nationale, et prouvaient que la nation est le souverain. Plusieurs, s’élevant plus haut encore, et remontant jusqu’aux droits primitifs et imprescriptibles des peuples, démontraient à tous les esprits qu’il est absurde d’invoquer les abus appelés usages, devant un peuple qui est en état de revendiquer ses droits. Tous s’accordaient à dire qu’il n’y a qu’une occasion pour reprendre sa liberté; que si on la laisse échapper, on n’en est pas digne ; et que le deficit était le salut de la France. On répandit surtout les écrits du sage Mably, qui dans des temps où la vérité se refugiait dans le cabinet des gens de lettres, avoir prévu, prédit, et, pour ainsi dire, ordonné les états-généraux. Son livre devint le catéchisme des Français. Un grand nombre de militaires, qui avaient assisté à la révolution des Etats-Unis, avait emporté des souvenirs ineffacables des charmes de l’égalité et de la liberté chez un peuple de frères. Ces hommes , qui étaient tous nobles , avaient appris à juger la vanité dece titre en comparaison de celui de citoyens. Paris sur-tout était

3 OC: