Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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de la cour; car c'était là ce qu’attendaient sur-tout les députés des communes. On ne doit pas oublier que chaque ordre était arrivé avec ses prétentions, et que la lutte avait commencé , même avant leur réunion à Versailles. Trop occupés chacun des intérêts dont ils étaient chargés, ils n’examinaient pas si le discours du ministre était purement son ouvrage; si, gêné par une place dans laquelle néanmoins personne n'aurait voulu voir un autre que lui, il devait et pouvait substituer ses opinions particulières à celles du conseils si déja lacour ne l’accusait pasde vouloir diminuer l'autoritéroyaie;, s’il appartenait à personne de décider les grandes questions qui déjà divisaient tous les esprits; et si en prononçant même selon les vœux des communes, le ministre ne pouvait pas craindre que les deux

remiers ordres ne fissent à l'instant une scission aux suites de laquelle la France n’était pas encore préparée.

Les deux premiers ordres , qui savaient à quoi s’en tenir sur les dispositions de la cour , ne témoignèrent pas de mécontentement du discours de M. Necker, quelle que fût leur haîne pour lui; mais les députés des communes le reçurent avec la plus grande froideur. Assis sur leurs bancs reculés et dans un silence conforme à la sévérité de leur costume, ils attendaient à chaque moment des paroles qui répondissent aux idées élevées dont ils étaient remplis, et qu’ils ont depuis exécutées. Egalité et liberté : ces deux mots étaient déjà le ralliement des Français. Le peuple et ses représentans avaient été con duits par les événemens à désirer une réforme générale, que le conseil ne leur promettait pas, et que les fautes de la cour et des deux premiers ordres accélérèrent.

Dès ce moment commenca la lutte. Le soir même les députés des communes, rassemblés par provinces, convinrent qu’ils se réuniraient dans la salle des états-généraux, qu’ils la regarderaient comme la salle nationale, et qu’ils y attendraient les autres ordres pour délibérer en commun : ils ne s’écartèrent plus de cette conduite. En effet à quoi aurait servi au tiers-état d'obtenir la moitié dessuffragesaux états-généraux, si, par la séparation en trois chambres , il n’en avait réellement que le tiers ? Le lendemain les deux premiers ordres se rassemblèrent chacun dans des chambres séparées, et ceux des communes se rendirent à la salle nationale. Ils y attendirent inutilement ceux du clergé et de la noblesse ; et ne se regardant qne comme des députés présumés, dont les pouvoirs n'étaient pas encore vérifiés, ils ne s’occupèrent que de l’ordre de leur assemblée, sans se permettre aucune délibération. Dans les deux autres chambres on commença à s’occuper de la vérification des pouvoirs, chacun dans son ordre. C'était annoncer tacitement que l’on ne se réunirait point ayec les députés du tiers-état.