Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 33

Ainsi la dispute à laquelle on s'était préparé sur le vote par ordre ou par tête, s’engagea d'abord sur la vérification des pouvoirs en commun. Les députés du peuple disaient que, lors même que les ordres devraient délibérer séparément ,ce que lescommunes ne pensaient pas, les pouvoirsdevraient être vérifiés en commun; et que chaque ordre devant délibérer sur les propositions générales , il convenait à chacun de savoir si lés députés des autres étaient légalement nommés. Le roi aurait pu exiger , dès les commencemens, que les députés vérifiassent leurs pouvoirs en sa présence : cette dispute n'aurait pas eu lieu. On l’a reproché à la cour comme une faute ; mais la querelle aurait commencé sur la question de la séparation des chambres, et elle se serait terminée de même par la victoire du tiers-état, qui ne pouvait jamais entendre à n'avoir qu'un tiers des suffrages. Cependant ceux des communes invitèrent plusieurs fois les autres ordres à se réunir dans la salle nationale pour ÿ procéder ensemble à la vérification commune. La noblesse, sans s’embarasser de leurs observations, et se livrant à la hauteur de son caractère, continua de vérifier ses pouvoirs dans sa chambre. Mais ceux du clergé suspendirent cette opération; et quoique la noblesse signifiât, le 13 mai, aux députés des communes qu’elle se déclarait légalement constituée , ceux-ci n’en tinrent aucun compte , et ne s’écartèrent pas de leur système d’inertie. Cependant le clergé, divisé dans ses opinions, et couvrant ses prétentions de l’amour de la paix, qui devrait en effet être son caractère, proposa aux au tres ordres de nommer des commissaires conciliateurs qui pussent rapprocher les esprits. La noblesse y ayant consenti , les communes y accédèrent à leur tour. Ellescrurent que la modération convenait à leur bon droit, et que, prolongeantainsi, par la faute des deux autres ordres, une inaction qui nuisait au bien général, ellesseraient fortifiées bientôt de toute la puissance de l'opinion publique. Elles ne se trompèrent pas. Les conférences , qui eurent lieu chez le garde-des-sceaux, en présence des ministres du roi, ne servirent qu’à prouver que les deux ordres privilégiés prétendaient faire toujours des castes séparées du peuple. Le roi fit proposer secrètement aux trois ordres un plan de conciliation, qui, dans le fond, ne convenait à personne : mais la noblesse, en feignant d'y accéder, se référa à tous ses arrêtés et conserva toutes ses prétentions. Elle mitainsi les mauvais procédés de son côté; et les communes r’eurent autre chose à faire qu'à rejeter sur la noblesse tous les inconvéniens du refus.

Cependant les séances des communes et les conférences de leurs commissaires occupaient tonte la France. On commençait à s'impatienter de ces longueurs. Les communes présentèrent un mémoire au roi pour lui exposer les motifs qui les

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