Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 43

prenait de l’ombrage, le roi pourrait, si elle voulait, la transférer à Noyon ou à Soissons, et qu’il se transporterait lui-même à Compiègne. C'était proposer à l'assemblée de S’exposer un peu davantage , et de se placer entre l'armée de Paris et les troupes de Flandres et d'Alsace: c'était lui dire qu’elle pouvait s’écarter si elle voulait, mais que les troupes ne bougeraient pas. En vain Mirabeau représenta à l’assemblée que la réponse du roi était un refus qui exigeait de nouvelles instances ; qu’elle n'avait pas demandé de s’en aller , mais que les troupes se retirassent, et que, se fier aux ministres et aux conseils du roi, c'était se livrer à ses ennemis: la confiance que l’on avait en la vertu du roi l’emporta, et l'assemblée n’insista point.

C'était le rx juillet que le roi avait fait cette réponse ; et le r2 on porta le premier coup par le renvoi de M. Necker > qui reçut ordre de garder le secret et de sortir du royaume dans vingt-quatre heures. Il partit le soir même; et, quoiqu'il se retirât à Copet , il prit la route de Bruxelles ,; afin de mieux déguiser son départ. Ainsi fuyait en exil celui auquel le roi avait refusé sa démission vingt jours auparavant, et que la reine et lui avaient engagé à rester dans le ministère, Il fuyait emportant avec lui la confiance de la nation.

Le lendemain on apprend cette nouvelle à Versailles, et que MM. de Breteuil, Foulon, la Galésière, la Porte, et le maréchal de Broglie, devaient composer le conseil du roi. À ces nouvelles tous les yeux se dessillèrent, et l’on s’attendit à voir. frapper les coups dont la sourde menace courait depuis quelques jours. L'assemblée ne devait pas se réunir ce jour-là, et le péril commun ayant rassemblé néanmoins un certain nombre de députés, ils ne crurent pas pouvoir délibérer. Mais ik est impossible de dépeindre le mouvement immense qui tontà-coup souleva la ville entière de Paris. On y prévit tout ce à quoi il fallait s'attendre; l'assemblée nationale dissoute par la force, et la capitale envahie par l’armée. Les citoyens accourent au Palais-royal, leur rendez-vous accoutumé: la consternation les ÿ avait conduits; la fureur commune s’y alluma, mais telle qu’elle dut se communiquer en un momentà cette vaste et populeuseenceinte, La première victime du despotisme devint l’idole et la divinité du jour. Les citoyens prennent un buste de M. Necker ; ils y joignent celui de M. d'Orléans, dont: on disait aussi qu’ilallait être exilé, et les promènent dans Paris. suivis d’un immense cortége. Des soldats de Royal-Allemand reçoivent ordre de charger, et frappent de leurs sabres ces bustes insensibles : plusieurs personnes sont blessées. Le prince de Lambese était sur la place de Louis XV avec des soldats de Royal-Allemand: le peuple lui jette des pierres; alors il se précipite dans les Tuileries le sabre à la main, et blesse un