Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. A

de ces troupes; qu’il n’apporterait aucun changement à ses dispositions; et qu'il était inutile que les députés allassent à Paris où leur présence ne ferait aucun bien. Alors elle décréta que M. Necker et les autres ministres qui venaient d’être éloignés emportaient son estime et ses regrets; qu’elle insisterait toujours sur l'éloignement des troupes et sur l'établissement des milices bourgeoises, et déclara que nul pouvoir intermédiaire entre elle et le roi ne pourrait exister. Enfin elle rendit les ministres actuels respônsables de tous les événemens et menaça de la loi quiconque oserait prononcer le mot infime de banqueroute. Elle résolut enfin de continuer sa séance durant la nuit.

Tant de courage et de moyens réunis de la part du peuple et de ses représentans ne suflisaient pas cependant pour décider la cour à renoncer à ses projets. Le refus du roi, qui avait afligé l’assemblée nationale, porta le désespoir dans Paris. Les habitans crurent que leurs ennemis avaient décidé de les perdre, et ils se résolurent à vaincre ou à périr. Alors sortirent de la foule animée quelques-uns de ces hommes de courage, qui ne manquent presque jamais dans les grandes occasions, ét qui prennent naturellement la place qui leur est due. Des voix se font entendre ; elles crient qu’il n’y aura ni paix ni liberté tant que la Bastille subsistera. Mille voix le répètent ; et Von n’entend plus que ce cri, qu’il faut aller prendre la Bastille. Launay, qui commandait ce boulevard de terreur, en avait de longue-maïn augmenté la défense, et venait de recevoir des ordrés de Besenval, de tenir bon jusqu’à ce qu’il recût du secours, Mais pouvait-il résister à l’impétuosité française, et au courageux acharnement de la moitié de Paris, qui accourut devant la forteresse ? On le somme de la rendre : il feint de l’accorder; des citoyens sont introduits dans la cour, et on leur tire dessus. Alors la fureur de ceux qui étaient dehors remonte à son comble; et bieñtôt, par des prodiges de valeur, les citoyens qui s'étaient le plus avancés rompent les chaînes du pont-levis, et prennent, en quelques heures, cette place qu’une armée et le grand Condé avaient inutilement assiégée Do vingt-trois jours. Les fastes de la nation ont consacré

eurs noms immortels sous la dénomination générale de vainqueurs de la Bastille. Launay, prisonnier , est conduit à l’hôtel-de-ville, à travers les flots d’un peuple que la colère transportait, ses conducteurs mettant à le défendre autant de courage qu’ils en avaient mis à s'emparer de ses tours; mais après une heure de marche et dé résistance, Launay fut massacré au pied de lescalier de l’hôtel-de-ville, au moment où ilallait être sauvé. Dans le même temps on découvre que M. de Flesselle, prévôt de Paris, était d'intelligence avec Launay , on

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